L'exposé des modalités du travail du rêve étant terminé avec le chap 7, Freud poursuit l'enquête sur ce qui lui paraît le point décisif.
« Le cœur du problème se situe dans le déplacement, qui est de loin la plus remarquable des différentes opérations particulières réalisées par le travail onirique. (…) La condition essentielle du déplacement est de nature purement psychologique. Elle est de l'ordre de la motivation. »
(Sigmund Freud Sur le rêve chap 8)
Il explique avoir laissé de côté des éléments de l'analyse de son rêve de la table d'hôte (cf 4) par souci de « certains égards qu'il m'importe de respecter », dans la mesure où cela impliquait d'autres personnes que lui.
« Mais quand je poursuis l'analyse pour moi-même sans tenir compte des autres (…) j'aboutis à des pensées qui me surprennent, que je ne me suis pas connues, qui me paraissent au contraire non seulement de nature étrangère, mais aussi désagréables, et que je voudrais donc contester énergiquement, alors même que l'enchaînement des pensées qui court dans toute l'analyse me les impose inexorablement. »
Il fait donc l'hypothèse que ces pensées désagréables « étaient effectivement présentes dans ma vie psychique et qu'elles y possédaient une certaine intensité ou énergie psychique (…) mais ne pouvaient pas devenir conscientes pour moi. À cet état particulier je donne le nom de refoulement. »
Pas devenir conscientes pour moi : soulignons ce « moi » que l'on peut entendre déjà au sens de la « deuxième topique » freudienne, bien qu'il ne l'élabore complètement que bien plus tard, dans les années 1920-23.
Topique signifie ici représentation du psychisme selon des « lieux » (en grec topoi). Le mot est piégeux, car ces « lieux » ne sont nulle part localisables, dans le cerveau ou ailleurs.
On parlerait plus justement de modes de fonctionnement. À cet égard il faut noter que conscient comme inconscient ne viennent pas d'emblée sous la plume de Freud en tant que substantifs, mais bien en tant qu'adjectifs.
Freud élabore d'abord sa première topique qui repose sur cette distinction entre conscient et inconscient (assorti de l'intermédiaire préconscient). On la trouve au chap 7 partie 6 de la Traumdeutung (et on va la rencontrer dans la suite de notre texte).
Mais très vite, cette seule distinction lui apparaîtra comme insuffisante pour rendre compte de la complexité du fonctionnement psychique et surtout de la conflictualité qui en est d'après lui le moteur.
Alors il conçoit sa deuxième topique, tridimensionnelle, le célèbre trio ça moi surmoi. Mais notons que cette deuxième topique vient préciser la première sans s'y substituer : si le ça est totalement en mode ics (et encore on l'a parfois discuté), le moi et surtout le surmoi sont susceptibles des deux modes.
Bref, pour en revenir au passage que j'ai souligné ci-dessus, le moi est la « façade » sociale de l'individu, en charge de sa conformité aux critères sociaux tant intellectuels que moraux. Il est donc responsable à cet égard de l'élaboration secondaire du rêve.