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Sur le rêve (21) A la frontière une censure

« Les philosophes n'ont pas eu, jusqu'à présent, l'occasion de s'occuper d'une psychologie du refoulement. Il ne nous est donc pas interdit, en première approche de cet ordre de choses encore inconnues, d'esquisser une représentation visualisable du déroulement de la formation du rêve. »

(Sigmund Freud Sur le rêve chap 10)

 

Freud n'est pas ici tout à fait juste envers l'état des théorisations philosophiques. On peut nuancer sa (naïve?) vantardise « avant moi personne n'a compris grand chose à cette histoire ». Objection, Sigmund : qu'est-ce que tu fais du Nietzsche de la Généalogie de la morale, du Schopenhauer du Monde comme volonté et représentation ?

Une note dans mon édition* dit qu'il prétend ne pas les avoir lus. Pour Nietzsche je ne sais plus trop j'avoue, cependant il me semble bien me souvenir que Freud mentionne parfois Schopenhauer (mais qui suis-je pour contredire ces spécialistes ?) (d'autant plus que j'ai la flemme de retrouver les passages).

Bref tout cela pour souligner une fois encore la haute opinion que Freud a de son travail, et combien il est important pour lui de revendiquer son côté pionnier, éclaireur (qui est quand même en grande partie une réalité).

 

« Nous posons par hypothèse qu'il y a dans notre appareil psychique deux instances productrices de pensées, la seconde détenant le privilège que ses productions trouvent librement accès à la conscience, tandis que l'activité de la première instance est en soi inconsciente et ne peut parvenir à la conscience qu'en passant par la deuxième.

Qu'à la frontière entre les deux instances, au passage de la première à la deuxième, se trouve une censure qui ne laisse passer que ce qui lui agrée, mais retient le reste.

Dès lors, ce qui est repoussé par la censure, selon notre définition, se trouve en état de refoulement. »

Freud précise dans la Traumdeutung que juste derrière cette barrière, aux avant-postes de la frontière vers la conscience, il y le préconscient. Des pensées sur lesquelles la censure s'exerce avec moins de sévérité, leur octroyant à certaines conditions un laisser-passer pour franchir le check-point. Pour les autres, plus réprimées, poursuit-il, le laisser-passer est tout de même relativement facile à obtenir de l'état de sommeil.

« Mais comme la censure n'est jamais abolie, mais simplement abaissée, il lui faudra accepter certaines transformations qui adoucissent (les) aspects choquants (du refoulé). Ce qui dans ce genre de cas devient conscient est un compromis entre ce qui est visé par l'une des instances et ce qui est requis par l'autre. »

Mais, même avec les adoucissements requis, le permis de séjour accordé au refoulé n'est que temporaire.

« Quand l'état de sommeil est dépassé, la censure se réinstalle rapidement à son niveau et peut désormais anéantir de nouveau tout ce qui lui a été arraché pendant les temps où elle était faible.

Le fait que l'oubli du rêve, du moins en partie, requière cette explication est attesté par d'innombrables expériences. Il n'est pas rare que pendant le récit d'un rêve ou pendant l'analyse de celui-ci, un fragment du contenu onirique qu'on croyait oublié refasse soudain surface. Cette pièce arrachée à l'oubli contient régulièrement le meilleur et le plus proche accès à la signification du rêve.

C'est sans doute uniquement pour cette raison qu'il avait été victime de cette chute dans l'oubli, c'est à dire de la répression renouvelée. »

 

*Points Essais 2011, traduction JP Lefebvre, présentation et notes Fabien Lamouche.

 

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