Freud poursuit : la représentation onirique des désirs sexuels refoulés, dans la mesure où ils sont susceptibles de la plus forte censure, va passer plus souvent que pour d'autres désirs par des symboles.
On a pourtant noté au début de ce parcours (cf 2) sa défiance envers les interprétations passe-partout que les symboles peuvent induire, au détriment de la prise en compte de l'originalité irréductible de chaque psyché. Mais bon :
« Le matériau de représentations sexuelles (…) doit absolument être remplacé par des suggestions, des allusions, et autres types de figuration indirecte, mais à la différence d'autres cas de figuration indirecte (celle-ci) doit être soustraite à l'intelligibilité immédiate.
On s'est habitué à désigner les moyens de figuration correspondant à ces conditions comme des symboles de ce qui est figuré grâce à eux. »
(Sigmund Freud Sur le rêve chap 12)
Autrement dit aux grands refoulements les grands remèdes. Affirmation assortie de quelques précisions.
« Il y a des symboles universellement répandus qu'on rencontre chez tous les rêveurs d'une même sphère linguistique et culturelle, et d'autres d'apparition extrêmement limitée et individualisés qu'un seul individu aura forgés dans son matériau de représentation.
Parmi les premiers, on distingue ceux dont la prétention à représenter le sexuel est justifiée sans problème par l'usage du langage (par exemple les symboles issus du monde de l'agriculture, tels reproduction, semence) et d'autres dont la référence au sexuel semble remonter aux temps les plus anciens et aux profondeurs les plus obscures de la formation de nos concepts. »
Mais il ne faut pas en déduire que, même dans le cas de ce mode quasiment universel de symbolisation, celle-ci soit pour autant à considérer comme intemporelle. Comme tout le reste des productions culturelles humaines, elle s'inscrit dans l'évolution historique.
« La puissance de symbolisation, dans le cas des deux sortes de symboles distinguées ci-dessus n'est nullement éteinte à l'époque présente. On peut voir des objets nouvellement inventés (les aéronefs par exemple) aussitôt élevés au rang de symboles sexuels universellement utilisables. »
Outre les exemples qu'on peut multiplier, voitures, armes, sans oublier smartphones, clés USB et autres tablettes, ce passage m'inspire une remarque.
Après qu'il a été traité en son temps de danger pour l'ordre social et moral, on considère souvent Freud aujourd'hui comme un conservateur, pour ne pas dire un réactionnaire.
Il est vrai que loin de prôner une liberté (sexuelle ou autre) débridée, la psychanalyse freudienne insiste sur la nécessité de limitations éthiques, et débusque la mauvaise foi des pervers qui justifient leurs crimes par des « pulsions incontrôlables ».
Il est vrai aussi que Freud fut conservateur en politique (encore que cela mérite nuance), mais il ne l'était pas au plan intellectuel.
Son anthropologie dessine au contraire un être humain dont l'humanité ne dépend pas de la conservation de « valeurs » intemporelles et intangibles, de la stérile reproduction culturelle d'une identité sacralisée. Mais tout au contraire de son aptitude à évoluer dans le temps, à s'ouvrir à l'altérité, à se libérer de ses conditionnements et certitudes.
Et à prendre la parole en son propre nom avec ses mots.
En l'occurrence, concernant l'interprétation du rêve,
« Il serait, au demeurant, erroné d'espérer qu'une connaissance plus approfondie encore du symbolisme onirique (le ''langage du rêve'') puisse nous affranchir de la nécessité d'interroger le rêveur pour connaître les idées qui lui viennent à l'esprit à propos du rêve et nous ramener entièrement à la technique de l'antique oniromancie. »