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Il faut bien l'avouer

« Ce qui m'attire dans une idée, c'est ce qu'elle a de piquant et d'original – de neuf et de superficiel. Il faut bien l'avouer. »

(Camus Carnets mai 1938)

Superficiel ? Ah bon ? C'est pas vraiment la case que j'aurais cochée en face de votre nom, Albert. Mais bon si vous le dites.

 

« C. qui joue à séduire, qui donne trop à tout le monde et ne tient jamais. Qui a le besoin d'acquérir, de gagner l'amour et l'amitié et qui est incapable de l'un et de l'autre. Belle figure de roman et lamentable image d'ami. »

C. non ce n'est pas Camus. Peut être Caligula dont il parle dans une note d'avril. Certes Caligula n'est pas du roman mais du théâtre. Mais qui que ce soit, en fait le propos est bien d'opposer la vie réelle et le monde imaginaire.

Il y a là quelque chose de la catharsis artistotélicienne : ce personnage, en tant que lamentable image d'ami, est parfait pour que son créateur se venge à travers lui des relations décevantes. Et tout autant s'autorise le fantasme de se comporter, lui, de lamentable façon.

 

« Sur une même chose on ne pense pas de même façon le matin ou le soir. Mais où est le vrai, dans la pensée de la nuit ou l'esprit de midi ? Deux réponses, deux races d'hommes. »

Et puis il y la troisième race « d'hommes », dont je suis (en tant que femme qui sait) qui répond que le vrai est évidemment dans les deux. Ou n'est pas. En fait c'est aussi celle de Camus, la race de ceux qui essaient de vraiment penser. C'est à dire dans une incessante prise de distance avec chaque réponse.

Et comme d'habitude, devinez qui le dit le mieux ?

« Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, à l'instant que je m'amuse à lui. Je ne peins pas l'être. Je peins le passage : non un passage d'âge en autre, ou, comme dit le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. Il faut accommoder mon histoire à l'heure. Je pourrai tantôt changer, non de fortune seulement, mais aussi d'intention. »

(Montaigne Essais III,2 Du repentir)

Ou encore :

« Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m'essaierais pas, je me résoudrais ; elle est toujours en apprentissage et en épreuve. »

C'est pourquoi écrire et penser, c'est

« un contrerôle (un inventaire, ou une check-list, pour le dire en gascon du 16°) de divers et muables accidents et d'imaginations irrésolues et, quand il y échoie (le cas échéant), contraires (contradictoires) ; soit que je sois autre moi-même, soit que je saisisse les sujets par autres circonstances et considérations. Tant y a que je me contredis bien à l'aventure, mais la vérité je ne la contredis point. »

 

Commentaires

  • Aux "races d'hommes", je préfère de loin "l'ivresse naturelle" de Montaigne - plus humain, sans doute pas, mais moins catégorique, ce qui est un plus (vous m'aurez comprise).

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