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  • Be yourself ?

    « Il me semble que qui sollicite pour les autres a la confiance d'un homme qui demande justice ; et qu'en parlant ou en agissant pour soi-même, on a l'embarras et la pudeur de celui qui demande grâce. »

    La Bruyère Les Caractères (De la cour 87)

     

    Je me reconnais à 100%, sans me vanter. Quoiqu'à vrai dire il n'y ait vraiment pas de quoi se vanter. Car il s'agit là d'un stupide mécanisme d'échec.

    Juste pour moi, c'est pas la peine : est-ce que je le mérite ? Pensée aussi inutile que ravageuse, dîme versée au sentiment inconscient de culpabilité (dirait Papa Freud), surdité à son conatus (dirait l'ami Spinoza).

    N'empêche je reste toujours stupéfaite devant ces gens qui sollicitent, parlent ou agissent pour eux-mêmes, en trouvant cela absolument normal et justifié. Ils ne leur traverse pas l'esprit une seconde de se demander s'ils le méritent.

    Occuperont-ils avec compétence le poste qu'ils revendiquent ? Feront-ils bon emploi de l'argent ou du pouvoir pour lesquels ils sont prêts à faire tout ce qu'il faut, comme les autres ? Ce n'est pas leur question. Ils veulent ce qu'ils veulent, c'est tout.

    Pour eux c'est un dû, pas une grâce.

    Certains d'entre eux, cependant, sont parfois prêts à solliciter pour les autres.

    1)À condition que cela ne risque pas de gêner leur propre avancement, ou simplement de les gêner tout court, de les importuner un tant soit peu.

    2)Ils le feront d'autant mieux si ces autres les paient d'une manière ou d'une autre pour cela, ou si c'est l'occasion de se pousser eux-mêmes du même mouvement, faisant d'une pierre deux coups.

    Ils seront nettement moins nombreux à se faire défenseurs de la veuve insolvable, surtout si elle est moche, de l'orphelin ingrat au physique et au moral qui oubliera de chanter leurs louanges.

    1)Ce n'est pas que je prétende en être capable, ça va sans dire. Jouer les tartuffes donneurs de leçons, voilà qui serait du dernier disgracieux.

    2)Au passage : d'où la difficulté à trouver le ton pour faire écho à ces sentences désabusées. Un ton pas trop scrogneugneu ni moralisateur. Imaginez-vous combien c'est difficile ?

    3)Ah tiens ne voilà-t-il pas que je parle pour moi-même ? Je progresse.

     

    Bon allez, je vous dis tout. Cette phrase m'a accrochée alors que je ramais sur mon dossier de liquidation de retraite, submergée par un tsunami paperassier et les larmes d'angoisse en découlant.

    Eurêka ! (ai-je pensé) : l'embarras et la pudeur de celui qui demande grâce, voici donc l'explication de ma phobie administrative.

    Car j'en suis un spécimen fort représentatif, et 100% authentique, contrairement à d'autres. Sans me vanter.

     

     

  • Indémodable

     

    « Le courtisan autrefois avait des cheveux, était en chausses et en pourpoint, portait de larges canons, et il était libertin. Cela ne sied plus : il porte une perruque, l'habit serré, le bas uni, et il est dévot : tout se règle par la mode. »

    La Bruyère Les Caractères (De la mode 16)

     

    Le courtisan de Loulou le Versaillais se conformait aux goûts supposés et injonctions avérées dudit pour en obtenir quelque privilège, au moins celui de pouvoir squatter la Cour et y continuer son petit business perso, à l'instar de ses frères ennemis en courtisanerie.

    Le courtisan devait évidemment courtiser à plusieurs étages de la pyramide de la servitude volontaire. Cependant toutes les marches menaient forcément à Loulou car Loulou concentrait le pouvoir.

    L'état c'est moi. Le pouvoir s'incarnait dans sa petite personne rehaussée de talons et de perruques.

    La dévotion fut à la mode à la fin de son règne, pour cause d'influence de la Maintenon, hystérique convertie sur le tard à la psycho-rigidité.

    Disent les historiens avec un tantinet de machisme.

    Comme si Loulou Soleil, entrant dans les zones crépusculaires de sa vie, avait besoin de qui que ce soit pour s'autoriser à y vieuxschnockiser.

     

    « Un dévot est celui qui sous un roi athée, serait athée. » ajoute Labru (De la mode 21)

    Peut être, sauf que le gros souci c'est qu'on manque de rois athées. J'entends athées de toutes les religions, y compris celle du Marché Mondialisé, celle de la Nation Barricadée.

    Qui d'ailleurs à l'occasion se combinent allègrement avec les religions homologuées.

    Et ce qui est encore plus grave, c'est que ce n'est que superficiellement une affaire de mode. Car, comme le dit La Bruyère dans la sentence la plus déprimante de son livre :

    « Les hommes en un sens ne sont point légers, ou ne le sont que dans les petites choses. Ils changent leurs habits, leur langage, les dehors, les bienséances ; ils gardent leurs mœurs toujours mauvaises, fermes et constants dans le mal, ou dans l'indifférence pour la vertu. » (De l'homme 2)

     

    Nous voilà bien habillés pour l'hiver.

     

     

     

     

     

  • ça cloche

     

    « L'on demande pourquoi tous les hommes ensemble ne composent pas comme une seule nation, et n'ont point voulu parler une même langue, vivre sous les mêmes lois, convenir entre eux des mêmes usages et d'un même culte ;

    et moi, pensant à la contrariété des esprits, des goûts et des sentiments, je suis étonné de voir jusqu'à sept ou huit personnes rassemblées sous un même toit, dans une même enceinte, et composer une seule famille. » La Bruyère Les Caractères (De l'homme 16)

    Marseillaise de naissance, j'habite aujourd'hui un bled de l'Aude, dans la région désormais dite Occitanie. Nom simple, pas un de ces machins à rallonge, où faute d'unifier on a juxtaposé.

    Quoique.

    Figurez-vous que y a les Catalans eh ben y sont pas contents. Occitanie ça parlerait trop de Toulouse. Ville choisie en outre pour capitale régionale. À Montpellier j'imagine qu'ils sont pas trop contents non plus, mais j'ai pas eu vent de leurs sons de cloches.

    Les Catalans, eux, y font des manifs, y saisissent le Conseil d'État. Qui n'a pas mieux à faire que gérer de pathétiques querelles de clochers, hein ?

    Derrière cela, je ne suis pas naïve, sombres calculs touristico-économiques. Les régions, (et à chaque niveau les autres collectivités territoriales incluses en elles comme des poupées gigognes), sont des « marques » concurrentes sur le marché.

    Y a aussi les vexations politiques. D'autant plus que la présidente de région est une femme, pensez. Mais on va pas avouer des choses si mesquines. Alors on parle d'Identité, de Tradition, de Terroir. Croyant que ça sera mieux vu.

    Eh bien pas par moi. Voilà de méchants mots (dirait Labru). Je leur reproche quoi ?

    De regarder dans le rétroviseur, d'être mots immobiles, mots qui assignent à résidence. Bon, la querelle de clochers entre Catalans et Occitans, ça reste folklo, ça fait juste rigoler. Mais ces histoires de Français de souche ...

    Et ailleurs dans le monde, que de ravages du même narcissisme des petites différences, dit Freud dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921)

    « Presque tout rapport affectif intime de quelque durée entre deux personnes (conjugale, amicale, parentale et filiale) contient un fond de sentiments négatifs et hostiles (...) Cela est plus apparent chaque fois qu'un associé se querelle avec son collègue, qu'un subordonné grogne contre son supérieur (…)

    De deux villes voisines, chacune devient la concurrente envieuse de l'autre ; le moindre petit canton jette sur l'autre un regard condescendant.

    Des groupes ethniques étroitement apparentés se repoussent réciproquement, l'Allemand du Sud ne peut pas sentir l'Allemand du Nord, l'Anglais dit tout le mal possible de l'Ecossais, l'Espagnol méprise le Portugais.

    Que de plus grandes différences aboutissent à une aversion plus grande à surmonter, celle du Gaulois contre le Germain, de l'Aryen contre le Sémite, du Blanc contre l'Homme de Couleur, cela a cessé de nous étonner. »

    Mais pas de nous atterrer.