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  • Ps150 (1/2) Poète prends ton luth

     

    Le psaume 150 est le dernier du recueil, venant clore la série de 5 psaumes dite Grand Hallel.

    Mais si on devait n'en lire qu'un, ce serait celui-ci, car il se présente comme l'essence-même du psaume, n'ayant d'autre propos que la louange elle-même, pure et simple.

    Simple mais pas uniforme : il donne à entendre une polyphonie d'instruments des trois familles (cordes, vents, percussions) que l'anaphore louez-le appelle à se combiner, chacun selon son style.

    1 Louez Yah ! Louez El dans sa sainteté, louez-le dans le firmament de sa force !

    2 Louez-le dans ses puissances, louez-le selon son immensité !

    3 Louez-le aux impulsions du chofar, louez-le avec la harpe et la lyre !

    4 Louez-le avec le tambourin et la danse, louez-le avec la cithare et la flûte.

    5 Louez-le avec les cymbales résonnantes, louez-le avec les cymbales éclatantes.

    6 Que l'âme lumineuse tout entière loue Yah !

     

    Décidément pas si simple, hein ? Rien que les noms divins qui apparaissent ici, Yah, El, assortis de mots lourds genre sainteté, puissance ...

    Résultat va bien falloir regarder tout ça d'un peu près.

    Mais allons à l'essentiel, le plaisir de la musique et le jeu des instruments. À tout seigneur tout honneur, d'abord ceux qui sont les attributs typiques de David dans l'iconographie, les instruments par excellence du psaume.

    La harpe (nével) se jouait avec les doigts, la lyre ou luth (kinnor) avec un plectre. Sur le corps de l'instrument le réseau des cordes vibre, transmettant des ondes de sensations et sentiments au corps (et cœur) humain.

    Analogie qui fonde la magie émotionnelle de la poésie dite lyrique.

    Lyre de David consolant le roi Saül dans son humeur sombre, lyre d'Apollon le dieu et d'Orphée le magicien, oud nostalgique des chants arabes, jusqu'au while my guitar gently wheeps des Beatles.

    Bref ces instruments-là sont ceux de la louange des poètes, des mélancoliques, des amoureux.

    Poète prends ton luth et me donne un baiser ! (dit Musset bien sûr, dans ses Nuits).

     

     

     

     

     

  • Eclairer

     

    Le mot psaume vient de la traduction grecque de la Septante, psalmon. Ce mot désignait un air joué sur un instrument (à cordes) appelé psaltérion.

    En hébreu le livre s'appelle sefer tehillim, livre de louanges. Louange est un mot pas exempt de connotations gnangnan. Tehillim contient cependant une racine qui signifie luire, faire de la lumière.

    Dans les psaumes on cherchera donc une lumière, qui pourra être lucidité ou illumination, ou pourquoi pas les deux ensemble.

     

    Pour l'attribution à David, on peut repérer la consonance des thèmes et du style du livre avec la personnalité supposée du roi poète. Il y a la mélancolie. Lyrique et nostalgique, souvent âpre, violente, désespérée.

    Une mélancolie articulée dans de nombreux psaumes à la perception très moderne de l'ambivalence humaine.

    Et il y a la légèreté, la grâce.

    David a beaucoup de défauts, il est violent, mégalomane, manipulateur à l'occasion. Mais il a cette grande qualité de légèreté.

    Dans son combat contre Goliath, elle est le grand atout pour sa victoire. Goliath, tout engoncé dans son armure, croule sous le poids de ses armes. David est nu, ou quasiment, et sa fronde, plus qu'une arme, est un jouet d'enfant facile à manier, ce qui lui donne une imparable rapidité et aisance de mouvement.

    La même aisance et légèreté, la même nudité aussi, se retrouvent quand, à l'arrivée de l'arche d'alliance, il se met à danser de joie, sans souci d'y laisser sa dignité de souverain, ce que lui reproche vertement sa femme Mikal (2 Sam 6, 14-20).

    Cette légèreté fait son charme, cette sorte de grâce quasi enfantine qu'il conserve tout au long de son histoire.

     

    Comme souvent, c'est la musique, celle des instruments et celle des mots, qui vient charmer la douleur. Et davantage. Le génie des psaumes est de réaliser par le travail poétique la sublimation de la douleur, pour en faire, au même titre que la joie, un chant.

    Un chant en quelque sorte au-delà de la bénédiction ou de la malédiction. La louange des tehillim consiste à discerner une lumière de nuit comme de jour.

     

    Pour finir cette petite introduction je précise que je lis le livre des psaumes dans l'édition bilingue (hébreu/français) de Patrick Calame et Franck Lalou (Albin Michel 2001 revue 2009).

     

     

     

     

  • Psaumes "de David"

    Les psaumes ont été écrits probablement sur un temps assez long, et certainement par des auteurs différents. Beaucoup sont attribués au roi David dans leur texte-même.

    La tradition a suivi, tout en sachant que les attributions bibliques n'ont qu'un rapport fort lâche à une quelconque vérité (et même vraisemblance) historique. Elles ne sont pas pour autant sans signification, on le verra.

    Sans doute peut-on voir en ce « David » le créateur du recueil, réalisant un travail d'assembleur à la manière d'un rhapsode antique, d'un jongleur médiéval.

     

    L'histoire de David, berger à Juda vers le XI° siècle avant JC (son lointain descendant), petit dernier d'un dénommé Jessé, appelé par un prophète à succéder au roi Saül perdant l'esprit et la faveur divine par la même occasion (cf livres de Samuel), elle est plus légendaire qu'historique au sens moderne.

    (Pour ce qui suit, cf le livre d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman La Bible dévoilée - déterrée plutôt Bible unearthed Bayard 2002).

    Comme les patriarches ou Moïse au moins tel qu'on le fantasme, David est avant tout un personnage littéraire, élaboré à partir de traditions orales au moment-clé de la Bible que fut le règne du roi Josias au VII°siècle, à mi parcours du temps entre la chute de Samarie (722) capitale du royaume du Nord (Israël), et celle de Jérusalem (586) capitale du royaume du Sud (Juda).

    Avec l'arrivée en Juda de réfugiés venus de Samarie, commença à se fonder un royaume unifié. Il fallait l'adosser à une idéologie, une storytelling.

    On écrivit l'histoire de grands ancêtres, les patriarches (figure type Abraham).

    Quant au royaume que l'on ambitionnait, on le projeta dans le passé, on le remit aux mains de David et de Salomon (probablement chefs de clan assez charismatiques pour qu'on en ait gardé mémoire).

    La storytelling combina le politique et le religieux. Le royaume d'Israël pratiquait le syncrétisme entre le culte de YHWH et celui de dieux régionaux. Josias et le think tank sacerdotal purent instrumentaliser ses récents malheurs : c'était la punition de YHWH pour ne pas lui avoir conféré l'exclusivité. On allait le faire maintenant.

    La religion du Dieu unique permit de cimenter la société autour de l'éthique de l'alliance, et pour le culte Josias fit rénover le temple à Jérusalem. Lorsque Jérusalem tombe à son tour, que le temple de Josias est rasé et les Juifs déportés à Babylone, ils emportent l'essentiel, le livre. Ils le continueront en continuant la vie, d'abord en exil à Babylone, puis de retour à Juda quand Cyrus roi de Perse vaincra Babylone.

     

    Conclusions 1) David n'est pas qui l'on croit, 2) les psaumes ne sont pas tous de lui loin de là 3) on n'en a cure vu que le principal est ceci :

    le personnage de David, à la fois acteur de l'histoire et auteur de psaumes, se tient au lieu d'articulation des deux réalités, la vie et le texte.