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  • Psaume 121 (1/3) Je lève mes yeux

    1 Poème vers les montées. Je lève mes yeux vers les montagnes.

    D'où viendra mon aide ?

    2 Mon aide vient de YHWH, qui fait les cieux et la terre.

    3 Il ne laisse pas chanceler ton pied ; il ne sommeille pas, ton gardien.

    4 Oh non, il ne sommeille ni ne dort, le gardien d'Israël.

    5 YHWH est ton gardien, YHWH est ton ombre à ta main droite.

    6 Le jour, le soleil ne te frappe pas, ni la lune la nuit.

    7 YHWH te garde de tout mal, il garde ton être.

    8 YHWH te garde quand tu sors et quand tu entres, maintenant et en éternité.

     

    Ce psaume est le deuxième de la série (120-134) dite montées (ou degrés). Série d'abord liturgique. Ces psaumes étaient chantés en procession sur les marches (degrés).

    Montées réfère aussi à un type de sacrifice (en grec holocauste) où la victime était brûlée tout entière. Elle montait donc intégralement vers le dieu sous forme de fumée.

    Si bien que ni les prêtres ni les participants n'en recevaient de part, comme dans d'autres sacrifices, qui tout autant que de supposés actes de piété envers le dieu, étaient une substantielle source de revenu pour le clergé.

     

    Le mouvement de bas en haut est en tous cas un invariant anthropologique. Qui n'aspire à s'élever de toutes les façons possibles et à tous les sens du terme ?

    Concrètement, on a tendance à se sentir mieux sur une hauteur, on y respire plus large, du fait peut être que le regard porte plus loin.

    D'ailleurs, le psaume commence ainsi : je lève mes yeux vers les montagnes. Si quelque chose monte d'abord, dans ces montées, c'est le regard du poète.

    Du bas vers le haut, on aspire aussi à l'ascension sociale, à s'élever pour être plutôt celui qui commande que celui qui obéit. Quitte d'ailleurs à en écraser quelques uns au passage.

    En haut de l'échelle sociale, je ne sais pas si on voit mieux, mais on est mieux vu, on est distingué (dirait Bourdieu).

    Au plan éthique il est parfois question de tendances dites basses. Et du coup on conçoit le bien comme domination d'un haut sur un bas, et dans la foulée un divin Très-Haut.

    Un dieu là-haut dans son ciel avec vue panoramique et imprenable sur tout, bref un omniscient.

    Bien au-dessus du plus haut de l'échelle sociale, le chef des chefs, le maître absolu, bref un omnipotent.

    Bien plus sublime que l'humain le plus éthique, pur de pur, bref l'omni-discriminant entre bien et mal.

    En est-il ainsi dans ce psaume ?

     

     

  • Au pluriel

    Difficile d'aborder un livre biblique sans se pencher sur les noms qu'il donne au divin (mais sans tomber pour autant, dans le travers d'une complexité inutile).

    Dans les psaumes on trouvera les trois noms : El (Eloha, Elohim), Adonaï, et YHWH parfois abrégé en Yah ou Yahou.

     

    El est un terme sémitique commun à plusieurs traditions (même racine que Allah), attribuant au divin une puissance (un terme qu'on sera bien sûr amené à interroger).

    Le ps 150 déploie ces connotations du nom El : firmament de force, puissances, immensité (v.1-2)

    André Chouraqui (dans l'intro à sa traduction de la Bible) ajoute que ce nom présente aussi le dieu comme celui vers qui on se tourne, à qui on aspire, car el est une préposition du sens de « vers, pour, dans la direction de ».

    Souvent dans les psaumes on trouve le pluriel, Elohim. Le monothéisme de l'ancien Israël s'établit sur fond de polythéisme, sans le détruire tout à fait (cf Psaumes « de David »).

    Faut-il voir en ce pluriel un archaïsme ? Pas sûr : le maintien dans la lettre de plusieurs faces du divin permet d'échapper à la pente qui guette le monothéisme : la perversion du religieux en totalitarisme. (Ce pluriel a aussi d'autres significations symboliques bien sûr).

     

    Adonaï signifie mon maître. Traduit en grec dans la Septante par kyrios, c'est notre mot seigneur, devenu finalement dans la vie courante monsieur.

    C'est un terme de respect, de déférence, et aussi un terme d'adresse. Adonaï est le dieu en tant que répondant de l'homme, que l'on prie, que l'on invoque, ou tout simplement à qui l'on parle.

     

    Le tétragramme YHWH (yod hé waw hé) est peut être plus énigmatique (à moins qu'il ne soit trop simple). Moïse au buisson ardent demande à la voix (qui lui enjoint d'aller au secours de son peuple esclave en Égypte) de quel nom il doit la nommer, en quel nom il doit parler.

    « Je suis/serai qui je suis/serai » est la réponse. La voix poursuit : tu diras au peuple Je suis m'a envoyé vers vous (Exode 3,14).

     

    Ce texte a été amplement commenté (sans livrer de dernier mot) (bon signe). Remarquons simplement qu'en nommant « YHWH » le locuteur pose dans le même mouvement sa propre identité.

    Autrement dit cette nomination a pour effet (si les mots ont un sens) de dissoudre la limite immanence/transcendance.

    (D'où sans doute le réflexe « religieux trop religieux » - pour paraphraser Nietzsche - de décréter ce nom trop sacré pour le prononcer ?)

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Ps 150 (2/2) Comme l'harmonie du monde

     

    Les percussions, dans leur modalité rythmique profonde, chantent un chant viscéral, battent la mesure du battement élémentaire de la vie-même.

    Une énergie vitale qui s'exprime aussi dans la danse associée au tambourin (v.4) : ce qui évoque bien sûr les transes rituelles, les corps qui scandent des gospels, les délires des Bacchantes, les derviches tourneurs.

    Tous moments d'extase, aux confins entre une extrême présence au corps et son oubli.

     

    Dans le même verset la louange passe à des instruments aux connotations inverses. Quoi de plus limpide, éthéré, que les notes de la cithare ou de la flûte ?

    Le tambour fait éclater l'être, le fait irradier dans un mouvement centrifuge. Cithare et flûte au contraire le recentrent, dans une intériorisation au climat tout nocturne.

    Dans un chant méditatif au bord du silence, et dont il semble n'être qu'une modulation.

    L'association de l'épaisseur charnelle des percussions à ces instruments dont le son a quelque chose d'immatériel compose une partition jouant sur un dynamisme de bipolarité, comme la calligraphie joue sur la combinaison des pleins et des déliés.

    Voilà qui évoque une si belle phrase de Montaigne (Essais III,13)

    Notre vie est composée, comme l'harmonie du monde, de choses contraires, aussi de divers tons, doux et âpres, aigus et plats, mols et graves. Le musicien qui n'en aimerait que les uns, que voudrait-il dire ?

     

    Et puis il y a le chofar. Il s'agit d'un cor, d'une trompe façonnée dans la corne d'un bélier. Il résonne pour marquer l'entrée dans le chabbat.

    En conclusion du livre, le ps 150 fait ainsi entendre, à travers l'harmonie de la communauté rassemblée pour chabbat, une autre harmonie, existentielle, symbolisée par la polyphonie des instruments.

    Que l'on soit tambour ou flûte, luth, cymbales ou cor, chacun chante à sa place, mais comme dans un même souffle. Le souffle lumineux qui chante le dernier verset.

     

    Reste la question du destinataire du chant : Yah, qui est-ce ?