Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Opportunisme OK

 

Opportunisme

 

Définissons l'opportunisme comme une capacité d'adaptation, le fait de tirer le meilleur parti possible des circonstances, et suivons sans hésiter la remarque d'Hélène : Montaigne est opportuniste. Je me demande même si ce n'est pas un de ses traits fondamentaux. Faire de chaque moment de sa vie un moment opportun, de chaque événement une opportunité. Je ne résiste pas à l'envie de citer à ce propos encore d'autres phrases, au risque de ressembler à ces prêcheurs illuminés qui allèguent les Saintes Écritures à temps et contretemps. D'ailleurs non, pas à contretemps : puisque, précisément, tout avec Montaigne peut trouver son opportunité.

 

(III, 2 Du repentir) Les autres forment l'homme ; je le récite et en représente un bien mal formé et lequel, si j'avais à façonner de nouveau, je ferais vraiment bien autre qu'il n'est. Mais voilà (meshuis) c'est fait.

Elle est joliment humble, cette toute petite phrase : eh oui, c'est fait, l'homme (moi-même entre autres) est ce qu'il est, pas toujours enthousiasmant, mais c'est à prendre ou à prendre. Sage opportunisme auquel la suite de ce passage donne une profondeur existentielle qui a de quoi nous laisser baba une fois de plus.

(…) Je ne peins pas l'être, je peins le passage : non un passage d'âge en âge, ou, comme dit le peuple, de sept ans en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. Il faut accommoder mon histoire à l'heure. (…) Soit que je sois autre moi-même, soit que je saisisse les sujets par autres circonstances et considérations. Tant y a que je me contredis bien à l'aventure, mais la vérité, je ne la contredis point.

Si Montaigne n'est jamais dogmatique, c'est qu'il n'est pas psychorigide. Il fait spontanément ce truc tout bête mais pas si facile à faire pour le commun des mortels (moi par exemple au hasard), laisser parler la vérité du monde et des êtres, qu'elle nous convienne ou non. Différence fondamentale entre dire : « je dis la vérité » (ou même ma vérité), et dire comme il le fait « la vérité je ne la contredis point ». Dans le premier cas, on la sait (on croit la savoir), on en dispose d'une certaine manière. Dans le second, ce qu'il y a à faire, c'est la discerner, l'écouter, l'accepter, ne pas chercher à avoir le dernier mot avec elle, bref ne pas la contredire.

En tous cas, c'est à de telles phrases, unissant force et subtilité, que se reconnaît pour moi Monsieur des Essais. Là, c'est vraiment lui. Témoin l'extraordinaire définition de lui-même comme de son livre qui clôt ce passage. Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m'essaierais pas, je me résoudrais ; elle est toujours en apprentissage et en épreuve.

 

Montaigne s'essaie, vit sur le mode de l'essai. L'essai est une expérimentation de tout ce qui se présente. C'est aussi une tentative de dire, de penser, d'être, toujours recommencée, jamais résolue. Car l'âme ne prend pas pied, elle flotte. Donc elle surfe peut être en effet comme le dit Hélène.

En tous cas ceci nous amène comme par la main au rapprochement avec un autre grand Monsieur qui n'a pas trop perdu son temps non plus en prenant la plume, à savoir Spinoza.

Je me demande dans un syncrétisme échevelé cette vie « à l'essai » ne peut pas être entendue comme un mode du fameux conatus perseverandi in suo esse (un des leitmoitive de l’Éthique) : l'effort, la tentative continus de persévérer dans son être. Et cela alors même que l'on est soumis à tous les fluctuationes animi, les flottements d'âme (dus à ses passions et à celles des autres). Bon, à suivre.

 

 

Commentaires

  • Où se rejoignent les bienfaits du déménagement et de l'opportunisme : quand dans nos têtes, dans nos coeurs, ça déménage, c'est peut-être parler de la folie mais là où elle rejoint la pulsion de vie : bouger, attraper opportunément la baballe qui nous fait courir ailleurs dans le plaisir de l'adaptation, même si parfois on la prend à pleine vitesse dans les dents, ou si on la rate et que la course vous laisse un temps sans air; faire une traversée en zigzags qui nous mène à nous-même et à tant d'autres au gré des courants de la vie et de toutes eaux de notre corps ; prendre ses ballots, en laisser, monter dans l'arche, éviter les paquets de mer, se noyer, s'accrocher au bout de bois qui passe et vous mène qui sait où... attraper n'importe quelles métaphores et, de bric à brac, en faire un radeau de parole ... Sainte Opportune et Monsieur des Essais, priez pour moi dont l'opportunisme sera de tenter d'être sans ostentation aussi folle que sage, et de chercher qui sait quoi, cahin-caha, au pays des humains et des mots.

  • Dans le genre opportunisme, et pour permettre d'être aussi fou que sage à travers certains propos qui ne sont évidemment pas de moi mais issu d'un quotidien ordinaire :
    - On dit que la religion est l'opium du peuple. Mais si moi j'aime l'opium ?
    - Docteur, je ne suis pas votre bouteille de champagne. Et vous n'avez pas vos dents dans ma bouche !

Les commentaires sont fermés.