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Cause commune

 

Notre intelligence (notre communication) se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse trahit la société publique. C'est le seul utile moyen par lequel se communiquent nos volontés et nos pensées, c'est le truchement de notre âme : s'il nous faut (s'il nous manque, mais il joue aussi sur l'homophonie faut/faux), nous ne nous tenons plus, nous ne nous entre-connaissons plus. S'il nous trompe, il rompt tout notre commerce et dissout les liaisons de notre police (état, société).

(Essais II,18 Du démentir)

 

Montaigne était un homme de parole, à tous les sens. Il explique par exemple qu'il se garde bien de promettre quelque chose quand il n'est pas sûr de pouvoir faire suivre d'effets sa parole. Il fut aussi un parlementaire, un juge. Dans un tribunal il faut savoir peser les mots avec grand soin, déceler tout ce dont ils sont porteurs, toutes leurs conséquences et utilisations potentielles. Dans un tribunal les mots sont décisifs.

Décisifs aussi, les mots du maire de Bordeaux qu'il fut, comme ceux de cette belle lettre au roi pour demander une plus juste répartition de l'impôt dans sa bonne ville. Les pauvres payent beaucoup, les riches presque rien, cela ne doit pas être ainsi, dit-il. Et il obtint gain de cause ! Comme quoi quand on veut, la politique ça existe.

 

Il fut aussi quelqu'un qui parlementa et négocia à plusieurs reprises dans la folie sanglante des guerres de religion, tentant d'arriver à faire, à défaut de s'entendre, au moins se parler, les différents partis. Eux, Ligueurs, Réformés, « Légitimistes », mettant en avant leurs prétendues différences de « foi », mais mus en vérité par leur commune mauvaise foi masquant le seul et véritable enjeu de leurs engagements : le pouvoir, et ses abus.

 

Expérience frustrante et décourageante pour Monsieur des Essais, d'où le ton désolé plus encore que désabusé des phrases ci-dessus. Intelligence, liaisons, société, commerce, des mots chers à son cœur d'humaniste et d'honnête homme qui aimait tant « l'art de conférer ». La conversation instructive avec des gens qui sachent laisser de côté la médiocrité mesquine de la mauvaise foi, pour la joie de chercher à dire vrai.

 

A chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste, mais, à tort ou à droit, comment on s'en défera. Au lieu d'y tendre les bras, nous y tendons les griffes. (…) Quand on me contrarie, on éveille mon attention, pas ma colère ; je m'avance vers celui qui me contredit, qui m'instruit. La cause de la vérité devrait être la cause commune à l'un et à l'autre. (…) Je festoie et caresse la vérité en quelque main que je la trouve, et m'y rends allègrement et lui tends mes armes vaincues, de loin que je la vois approcher. (…) (III,8 De l'art de conférer)

 

Cet art de conférer, ne pas croire qu'il soit réservé à des gentilshommes cultivés du XVI° style « parce que c'était lui parce que c'était moi ». Nous sommes tous des responsables de la parole et de la communication, depuis notre premier arreuh. Des parlêtres, dit Lacan.

 

Et plus encore, vous vous doutez que c'est là où je veux en venir, dans ce qu'il est convenu d'appeler le « débat démocratique ». Terme qu'il faudrait de toute urgence prendre au sérieux.

Oui, vous messieurs (et mesdames OK) les conseillers en communication, messieurs les lobbyistes de tout poil, messieurs les politiciens professionnels accrochés à vos cumuls de mandats et vos petits ou grands privilèges, messieurs des médias qui faites monter la mayonnaise pour le plaisir d'un éventuel grand frisson extrême-droitier aux élections, c'est à vous que ce discours s'adresse. Vous qui êtes en charge des liaisons de notre société.

 

N'avez-vous donc pas plus grande ambition que vos pathétiques jeux de cours de récré, le gonflement de vos comptes en banque, la manipulation des citoyens déboussolés en jouant la politique du pire, de la peur et du leurre ?

N'aimeriez-vous pas, une fois, pour voir, essayer d'agir pour de bon, pour de vrai, pour la cause commune ?

 

 

 

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