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Exceptionnellement

Voilà un mot qui se la pète bien. Déjà être un adverbe c'est (parfois, pas toujours, plus ou moins, tôt ou tard, discrètement ou pesamment) venir mettre son grain de sel dans une phrase où on ne l'attend pas forcément, mais où il va s'efforcer de capter toute l'attention. C'est le mot qui fait genre moi je viens juste pour mettre une touche finale, mais vous verrez ça peut tout changer. Le pire c'est que c'est pas tout à fait faux. Cependant il ne faudrait pas oublier que sans ossature verbale, musculature substantive, tissu mou adjectival, le vêtement adverbial resterait suspendu sans avoir où se poser.

Dans le cas d'exceptionnellement, notons de surcroît que les adverbes en -ment ne sont pas les plus modestes du lot, on a l'impression qu'ils prennent plaisir à exhiber ce signe extérieur de leur adverbialitude. Et pourtant il faut reconnaître que le -ment en question ne sonne pas très bien à l'oreille, non ? Ici on se refuse carrément rien, déjà les deux doubles consonnes, et puis le X qui fait toujours son petit effet. En ce qui me concerne, les mots contenant un X m'impressionnent. Pourquoi ? Peut être parce qu'enfant sur mes cahiers de classe je n'écrivais jamais exercice sans quelque tremblement, contrairement à leçon qui me laissait l'âme en paix. C'est que l'exercice me sommait faire mes preuves, de passer à l'acte, de me mettre à entretenir avec le savoir une relation réelle, et pas seulement esthétique, à distance respectueuse. Heureusement il y avait un autre mot en X qui faisait office de médiateur, « exemple ». L'exemple permettait d'apprivoiser l'angoisse instillée par la question « saurai-je faire l'exercice ? »

Quant au sens du mot exceptionnellement, la mégalomanie n'est pas loin. Ou alors le manque d'imagination. D'ailleurs les deux sont assez connexes. Car quelle chose se fait exceptionnellement en ce bas monde ? Même des actes relativement rares comme penser, il faudrait être de mauvaise foi pour les taxer d'exceptionnels.

 

 

A ce stade, le lecteur ne pourra s'empêcher de se demander pourquoi j'ai choisi ce mot pour E si j'ai tant à lui reprocher ? En grincheuse qui avait envie de déverser sa bile ? Par pudeur, évitant de mettre à nu mes sentiments exaltés pour tel ou tel autre mot en E, comme esperluette ou écobuage ? C'est possible. Mais je me demande si je ne dois pas avouer que j'ai choisi ce mot pour en éviter d'autres, par exemple élections et européennes. Désastre démocratique annoncé, par l'abstention ou pire. Et pourtant paradoxalement il y a à la clé de ce scrutin un progrès démocratique dans le fonctionnement des institutions européennes. Enfin le président de la commission sera élu en fonction de la couleur du parlement. Trente ans que ce devrait être ainsi, que l'on aurait dû construire des institutions vraiment représentatives des citoyens européens, à travers lesquelles faire vivre une véritable fédération européenne, l'Europe politique qui nous fait cruellement défaut. Il n'y pas trop d'Europe, mais pas assez. Mais bon, il n'est jamais trop tard pour bien faire. E comme espoir ?

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