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Floraison

Au début de ce qui est à mon sens le chef d'oeuvre de Giono, Un Roi sans divertissement, il y a des pages absolument extraordinaires. L'arrivée de l'automne est décrite comme la préparation d'un rite sacrificiel sanglant, où les feuillages jaunes, rouges, ocres, sont comparés aux parures de prêtres aztèques. Giono y fait preuve d'une efficacité virtuose, d'une énergie verbale propre à catalyser l'imagination du lecteur. En tous cas la mienne, ces pages me fascinent toujours autant à chaque relecture. Il y a plein d'endroits de son œuvre où Giono en fait trop, pensée limite simpliste, affectation épique inutile, effets d'écriture appuyés. Pour ma part je l'accepte à peu près à cause de cette intensité jamais démentie qui est pour moi sa marque. Mais quand a lieu tout à coup un moment parfait d'écriture, comme dans le début d'Un Roi, je savoure vraiment. Allez (re)lire ça, et découvrir comment vont se jouer les meurtres annoncés, comment le sang et la neige vont construire leur partition angoissante, comment vont se rencontrer un loup et un homme dans le premier polar métaphysique de la littérature française.

 

Quel rapport avec floraison ? Bonne question. Dans la campagne ces jours-ci c'est la floraison des amandiers. On les voit ici et là exploser à côté des autres arbres, des buissons encore nus et bruns. Ils se mettent à lancer un signal, une fusée de feu d'artifice qui éclate en bouquets blanc, rose pastel couleur aile d'ange, rose plus saturé flirtant avec le rouge. Sentinelles du printemps, guetteurs de la vie qui revient, ils s'épanouissent en un sourire si contagieux qu'en un instant il efface les pensées moroses des jours d'hiver, le recroquevillement des corps et des esprits : allez, debout, paresseux, finie l'hibernation, c'est pas tout ça, il y a un printemps à vivre !

 

Les arbres automnaux de Giono, guerriers aztèques guettant leurs victimes, annoncent la violence et la douleur, les amandiers dans leur rire de pétales ouvrent sur la lumière, la chaleur, la suavité, la joie, toutes ces promesses de la belle saison.

Et qu'est-ce que c'est bon à prendre !

 

 

 

 

 

 

 

 

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