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Pas-d'âne

La réalité des vocables dictionnairesques dépasse la fiction des délires néologiques les plus rimbaldiens. Franchement, qui d'entre vous, lecteurs philologues, eût parié qu'un tel mot existât ? Et davantage, qui d'entre vous, lecteurs de bon sens, eût envisagé que Robert notât ce mot dans ses pages ? Et pourtant il le note. En outre – et là attention on entre carrément dans le grand n'importe quoi – non content de squatter son bout de page style je suis un vrai mot moi aussi, le pas-d'âne se paye tenez-vous bien trois sens différents !

Robert commence par nous informer qu'il est entré dans la langue en 1497, (non pas Robert, le mot) ce que j'avoue je n'aurais pas soupçonné mais que je suis bien aise de savoir, car me voici libérée d'un doute récurrent : était-ce en 1496 ou 1498 que pas-d'âne s'est pointé sur ses gros sabots à la porte de notre belle langue française ? Tel est je l'avoue, du moins était jusqu'à ce jour béni, le leitmotiv obsessionnel de mes interrogations insomniaques. Vous ne pouvez imaginer de quel poids je me sens soulagée !

En 1497, puisque 1497 il y a, le mot est synonyme de « mors ». Pourquoi vient-il ainsi faire concurrence à un mot qui faisait correctement le job (la job?) depuis plus d'un siècle, le mot mors étant entré dans la langue en 1386 (attention pas 1387 ni 1385, pas de blague, hein?). Et surtout, pourquoi pas-d'âne plutôt que pas-de-mule ou pas-de-cheval, voire pas-de-boeuf ? Abîmes étymologiques ! Cheminements sociologiques ! Labyrinthes psychologiques ! Et le pire c'est que « mors » n'est même pas répertorié dans les 3 sens de Robert, va savoir pourquoi.

1 (1538) : Tussilage (aucun rapport c'est une plante – entre nous Robert a dû en fumer une autre la nuit d'insomnie où il régla son compte à pas-d'âne).

2 (1769) : Instrument servant à maintenir ouverte la bouche d'un cheval (on dit pas la gueule ? Non ? J'y connais rien aux canassons) quand on l'examine. Je réitère alors ma question : pourquoi pas « pas-de-cheval » ?

3 (vx) : Garde d'une épée qui protège la main.

C'est pas pour foutre encore plus la pagaille, mais questions : qu'a fait le mot entre 1497 et 1538 ? La phrase buissonnière sans doute pour se retrouver avec ce sens botanique. Mais plus troublant, qu'a-t-il fait entre 1497 et 1769 ? Aurait-on cessé subrepticement durant près de 300 ans de passer des rênes aux ânes et/ou chevaux sans que nous le sussions jusqu'à ce jour de 2014 où enfin nous ouvrîmes Robert à sa page 1819 ? Quant au sens 3, vx, c'est à dire vieux, soit. Pas plus vieux que 1497 ça c'est carrément impossible, mais sinon, plutôt 1538 ou 1769 ? Et que vient faire l'épée dans cette galère ?

 

Je crois avoir la réponse. Moi, si au jeu du dictionnaire j'avais pondu une définition aussi insensée, alors telle Vatel désespérant de l'arrivée de la marée, folle de honte, je me serais jetée sur l'épée.

 

Pas d'âne m'a tuer.

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