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Un procédé médical

« La psychanalyse est un procédé médical qui tend à la guérison de certaines formes de nervosité (névroses) au moyen d'une technique psychologique. »

Freud commence par cette phrase un article de 1913 intitulé L'intérêt de la psychanalyse. Il vaudrait mieux dire l'intérêt pour la psychanalyse, car c'est ainsi que le pense la construction allemande : das Interesse an etwas. La préposition an indique un mouvement vers, le fait de prendre quelque chose en considération, de l'envisager. Et c'est exact, pour découvrir l'intérêt de quelque chose, il faut faire le petit déplacement qui permet de se situer au bon point de vue, c'est à dire en face. L'intérêt qu'on porte à quelque chose ou quelqu'un est ainsi d'emblée interactif, comme le signale la construction allemande. Alors qu'en français en disant l'intérêt de quelque chose on a l'air de dire qu'elle est intrinsèquement intéressante, qu'elle se suffit en quelque sorte à soi-même. Mais non : pas de vérité sans vérificateur.

Ceci vaut bien sûr de façon essentielle pour la psychanalyse. On connaît l'avertissement de Platon « Nul n'entre ici s'il n'est géomètre ». Tout autant certes, nul ne peut comprendre Freud s'il met sa rationalité dans sa poche, mais surtout il doit se faire bon peseur de mots. Car la psychanalyse repose sur la conviction (et l'expérience) qu'on ne parle pas pour ne rien dire, que chaque parole s'inscrit dans un sens précis. Ce bon vieux Sigmund nous invite donc nécessairement à critiquer, interroger, décortiquer ses propres mots. Le tout est de le faire avec un scalpel et non une hache. Eviter aussi de les écraser à coups de marteau comme un bourrin qui au fond « n'en veut rien savoir » (et je ne veux nommer personne).

Revenons à la phrase. J'y relève, à l'intention du bourrin non sus-nommé et de quelques autres, les modulations circonspectes : un procédé, et non le procédé, qui tend à la guérison et non qui guérit, certaines formes de nervosité, et non tout le domaine nerveux (= psychologique et neurologique). De plus les termes procédé et technique insistent sur le côté pragmatique, voire artisanal de la chose. Une définition donc très factuelle, qui n'a rien de démiurgique. Disons-le clairement, ici Freud ne cherche pas à se la péter. (J'admets que ça lui arrive, encore qu'il faille faire la part d'un second degré pas toujours perçu).

Ce qui est intéressant surtout, c'est qu'il place la psychanalyse à l'intérieur de la médecine. Freud est multiface : soignant, anthropologue, philosophe, philologue etc. D'ailleurs l'article en question fait le point sur l'apport qu'il pense être celui de la psychanalyse en plusieurs domaines, de la biologie à l'esthétique, en passant par la sociologie ou la pédagogie, ce qui en fait un des meilleurs résumés de sa démarche et de son œuvre. Manque juste le rapport à la religion, auquel il a commencé à s'intéresser l'année précédente avec Totem et Tabou. Ici, dans cet article essentiel, il affirme donc avant tout : le fondement et le but de la psychanalyse est le soin.

 

 

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