L'explication de l'explosion guerrière de violence et d'irrationalité, Freud va la chercher chez son fournisseur habituel Inconscient & Refoulement Associés. Rien d'étonnant qu'à l'occasion des guerres les hommes s'en donnent à cœur joie dans la barbarie. C'est juste une petite régression vu que sous de légères couches de vernis le psychique primitif est, au sens le plus plein, impérissable.
On dit primitif mais faut pas croire que sapiens sapiens ou qui que ce soit (je me fais toujours des nœuds dans les lignes brisées de nos vieilles branches) était plus con que nous. Il avait juste un peu plus de mal à gérer de fortes divergences d'intérêts dans le commerce avec ses semblables. «La meilleure part du mammouth et des femelles, le squatt dans la grotte au Sud avec vue, c'est pour moi z'êtes OK ?» était un discours très répandu chez ceux qui voulaient pouvoir exhiber une carte de visite filigranée avec marqué dessus mâle dominant (comme les traders dans American psycho si ça vous parle plus). Une réponse fréquente fut « Casse-toi pauv' con. »
Quelques morts plus tard, sapiens finit par le devenir un peu plus, et admit la nécessité de limiter dégâts collatéraux comme frontaux. Ce fut la civilisation, somme algébrique (par conséquent possiblement nulle voire négative) des interdits des pulsions destructrices et des prescriptions positives. Outre le fait qu'elle a parfois donné lieu à des trucs folklo qui servaient trop à rien mais que nonobstant on s'est transmis religieusement de mâle dominant en mâle dominant avec le concours gracieux ou pas des dominés de tout poil, la civilisation oblige tout le monde à prendre beaucoup sur soi.
Celui qui est ainsi obligé de réagir constamment dans le sens de prescriptions qui ne sont pas l'expression de ses penchants pulsionnels vit, psychologiquement parlant, au-dessus de ses moyens et mérite objectivement d'être qualifié d'hypocrite (...) Il y a ainsi incomparablement plus d'hypocrites de la civilisation que d'hommes authentiquement civilisés.
En clair depuis sapiens sapiens on ajuste sa conduite en fonction du radar mais c'est pas ce qui enlève l'envie de vrouvroumer plus vite que le copain.
Or il y a dans l'histoire des moments et des lieux où le radar affiche plus ou moins directement « allez-y les gars foncez écrasez qui vous voulez, vous bons eux méchants, on est en guerre contre eux vu que c'est des gens qui prient pas le même dieu ou pas pareil ou pas du tout, qui veulent squatter au même endroit que nous, qui ont une couleur, ou une odeur, qui mangent pas pareil, qui ont chez eux des trucs qu'on voudrait trop et on serait bien cons de leur payer vu que c'est moins cher de les flinguer parce que les armes on les a à prix cassés » (on peut cocher plusieurs cases à la fois et bien sûr compléter selon l'inspiration, ad libitum). Bref
La guerre nous dépouille des couches récentes déposées par la civilisation et fait réapparaître en nous l'homme des origines. Elle nous contraint de nouveau à être des héros qui ne peuvent croire à leur propre mort; elle nous désigne les étrangers comme des ennemis dont on doit provoquer ou souhaiter la mort ; elle nous conseille de ne pas nous arrêter à la mort des personnes aimées.
La guerre, elle, ne se laisse pas éliminer.