Ethique. Au contraire de Mlle M. avec Montaigne, ceux qui me parlèrent de Spinoza en ces temps de nos études (profs, copains) réussirent à m'en tenir éloignée, et pour longtemps. Je sais aujourd'hui que la plupart en causaient sans l'avoir lu, satisfaits au demeurant de leurs commentaires abscons assortis de fiches indigentes. Quant à ceux qui l'avaient lu, ils voulaient en tirer le maximum de gain d'amour propre en insistant sur sa difficulté qu'ils n'auraient pu vaincre sans leur intelligence et leur travail : une incontestable acquiescentia in se ipso signe de la bonne santé de leur conatus.
Souvent dans une librairie, une bibliothèque, je prenais l'Ethique dans ma main, je tournais quelques pages, avec le sentiment (et comme la sensation, quelque chose de charnel) que ce livre m'attendait, que nous avions une sorte de rendez-vous. Mais très vite je le reposais : la forme sans doute me rebutait, non en soi (après tout les math j'en faisais et j'aimais ça) mais parce que je n'arrivais pas à associer cette forme et les révélations existentielles que paraît-il ce livre recelait. J'étais comme devant le coffre protégeant un trésor sans savoir où trouver la clé.
Avançant en âge, je suis entrée dans le temps des « jamais plus », et des « c'est maintenant ou jamais ». Phrases applicables à bien des choses de la vie, qu'il faut savoir prononcer les unes et les autres. Dire jamais plus en acceptant que des choses soient finies, en faire le deuil, si possible le cœur serein. Dire maintenant ou jamais avec le plaisir de tenter une dernière aventure, afin mourir un peu moins idiot. Lire l'Ethique : c'est maintenant ou jamais, me suis-je dit il y a quelque temps. La suite est dans ce blog (voir fin avril-juillet 2013). Quant à relire l'Ethique, c'est toujours maintenant.
Des livres plus ou moins savants encadrent sur l'étagère les Essais et l'Ethique (à propos message personnel Bernard si tu me lis La glose et l'essai de Tournon c'est toujours moi qui l'ai). Livres accompagnateurs peu nombreux, souvent achetés-pas-lus : j'ai toujours tendance à me plonger dans un texte comme ça sans phare ni balise autres que mon goût de lui. Tel est mon mon conatus à moi, pas très malin peut être j'en conviens, mais telle est ma joie de lectrice.
Traité de la ponctuation française, livre aussi charmant que précieux pour qui aime la langue, pourra meubler vos insomnies de questions aussi brûlantes que Quelle est la différence entre un crochet et une parenthèse ? Quels sont les 144 cas d'emploi de la virgule ? Voire avec l'interrogation sismique La ponctuation est-elle une question de rythme, de respiration, de syntaxe ? Et jusqu'au dilemme existentiel Est-on libre de ponctuer comme on veut ?
Ces questions ne sont pas tranchées dans le livre bien sûr, mais examinées dans un luxe de nuances, une avalanche d'exemples, qui valent pleine et entière autorisation de ponctuer en fin de compte comme vous voulez. Ou pas du tout. Et pour l'heure disons un point c'est tout.