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Comme l'abeille

« Vois ! Je suis las de ma sagesse, comme l'abeille qui a butiné trop de miel, j'ai besoin des mains qui se tendent. »

Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra (Prologue 1)

 

Est-il exact de dire que l'abeille butine du miel ? Le miel n'est-il pas plutôt le résultat de son butinage des fleurs ? (Butinage ou butinerie, comme vous voulez de toutes façons le mot n'existe pas, on voit que ce ne sont pas les abeilles qui font les dictionnaires. Cela dit il y a "butineur", allez comprendre, car butineur ne peut qu'impliquer butinage, non ?)

Nietzsche avait-il des mœurs des abeilles des notions si approximatives ?

A moins que cette dissonance logique, subtilement insérée dans la phrase comme un détail aberrant dans une image pour le jeu des 7 erreurs, n'exhorte implicitement la philosophie à un véritable travail d'abeille, depuis la fleur jusqu'au miel. Sans se borner toujours à se nourrir du miel déjà produit. Non que ce serait condamnable en soi : en fait c'est ce que je fais ici même – donc en effet rien que de très honorable. Mais l'ennui c'est lorsque les philosophes disent ou pensent être des abeilles, alors qu'ils ne sont que mangeurs de miel (ou peut être mouches du marché, titre d'un des discours du Zarathoustra). Nietzsche s'est beaucoup intéressé à la traçabilité des productions philosophiques, par exemple dans la Naissance de la tragédie ou la Généalogie de la morale.

 

Quant à l'opposition dans cette phrase entre le butinage du miel et les mains qui se tendent, elle est opposition entre prendre et donner. Peut être même entre prendre et être pris, car les mains se tendent-elles pour recevoir quelque chose de lui, ou pour se saisir de lui, pour mettre la main sur lui ?Il y a en tous cas le besoin d'échapper à un trop plein, de se vider de soi : il ne dit pas je suis las de la sagesse (en général) mais de ma sagesse.

Le prologue raconte en effet que Zarathoustra, un beau jour, se met en marche pour quitter une montagne où il a passé un certain temps à se gaver de méditation plus ou moins accommodée au miel des philosophes. Là il se délecta de son esprit et de sa solitude et ne s'en fatigua pas, dix ans durant. Mais dix ans de tête à tête avec soi-même ça finit par vous lasser un sage, même doué d'un solide narcissisme. Alors il descend de la montagne en silence.

Ainsi commence Zarathoustra.

 

 

 

 

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