« L'homme est quelque chose qui doit être surmonté. »
Ainsi parlait Zarathoustra (De la guerre et des guerriers)
« Le surhumain est le sens de la terre. Que votre volonté dise : que le surhumain soit le sens de la terre ! » (Prologue 3)
« En vérité, l'homme est un fleuve malpropre. Il faut être un océan pour pouvoir recueillir un fleuve malpropre sans se salir soi-même.
Voyez, je vous enseigne le surhumain : c'est lui, cet océan, en lui peut s'abîmer votre grand mépris» (Ibidem)
Devant la notion de surhumain (übermensch), je ne suis que perplexité. On me dira tuyaute-toi auprès des gens qui savent, qui ont étudié le concept, son historique, ses tenants et aboutissants. On me dira va faire ton marché parmi les interprétations hasardées, y compris les hasardeuses. Oui, mais n'ayant rien à gagner ni personne à vaincre ou convaincre, je peux me payer le luxe d'essayer juste de voir ce que ça me dit. N'étant prêcheuse (prêcheresse?) d'aucun arrière-monde, je peux aborder la notion de surhumain sans arrière-pensée. Je pense donc tout court et tant pis si c'est un peu court (voilà que je paraphrase l'ami Cyrano). N'empêche toutes ces précautions & tournages autour du pot prouvent bien ma gêne. Vous savez quoi je me dis qu'il y a là pour moi du tabou dans l'air. Oui tiens y a de ça, la notion de surhumain c'est comme qui dirait de Zarathoustra le totem et le tabou à la fois.
Surmonter l'homme ? S'il faut entendre par là trouver moyen de dépasser les réflexes dont on dit « c'est humain », du genre égoïsme forcené, d'abord ma pomme et tant pis si le bien commun en souffre un peu ou beaucoup, je souscris. Si surmonter l'homme c'est tenter de concevoir un autre mode d'être humain que l'exploitation et le mépris de l'homme par l'homme, je dis OK surmontons. Qu'il y faille une certaine volonté, une certaine résolution de se libérer, d'accord. Le tout est de prendre pour ce faire les bons chemins, et par exemple saisir la main aussi sûre que douce de Spinoza.
Et que l'homme soit un fleuve malpropre, ma foi j'ai assez vécu pour savoir qu'il y a bien un peu de ça, même s'il n'y a pas que ça. C'est bien la vraie question de recueillir ce fleuve malpropre : autrement dit voir qu'on n'est pas fait que d'amour et d'eau fraîche mais ne pas jeter pour autant le bébé avec l'eau du bain (à la métaphore aquatique comme à la métaphore aquatique).
Un océan c'est beaucoup plus de m3 qu'un fleuve. Le surhumain dans cette phrase j'y vois un concept en extension. Non pas un homme-plus, une élévation personnelle de chaque homme, ou pas seulement, mais surtout un homme-plusieurs, un élargissement du regard vers l'ensemble divers des hommes. Ce qui ouvre la possibilité que les saloperies des uns se diluent dans la bonté, la droiture des autres.
Car le plus clair de l'histoire c'est qu'on est tous embarqués dans la même galère et qu'il faut bien ramer au mieux sous peine de couler.