« Tu te dis libre ? Je veux entendre ta pensée souveraine, et non être informé que tu as échappé à un joug. »
(Ainsi parlait Z. De la voie du créateur)
Si Nietzsche martèle quelque chose dans son oeuvre, c'est que la vie ne joue pas en défense.
Il y a en particulier dans Zarathoustra la recherche d'une positivité absolue, d'une lumière qui saurait se définir sans aucune référence à l'ombre.
Ici il n'est pas question de sous-estimer le travail de libération, la force et la persévérance qu'il faut mobiliser pour secouer le joug. Et d'abord pour sentir la douleur de la blessure qu'il provoque, de l'empêchement dont il est cause.
Mais l'important est la suite. Laisser le joug sur le bord du chemin, et avancer sans se retourner. Morale de la positivité, de la création, de la liberté. Morale qui ouvre grand les portes :
« Libre de quoi ? Peu importe à Zarathoustra. Mais que ton regard clairement m'annonce : libre pour quoi ? »
Libre pour quoi ? Le regard s'élargit, cherche le lointain, le futur. Un regard mobile et curieux d'éclaireur. Un regard qui échappe à la fascination des batailles déjà livrées, que ce soit pour déplorer les défaites ou célébrer les victoires.
Libre de quoi ? Question excuse pour en rester à une semi-liberté. Laisser plutôt les jougs pourrir au bord du chemin, laisser les morts enterrer leurs morts. Libre de quoi ? On est libre, et c'est ce qui compte. Ne pas être un ancien combattant de ses libérations, mais être libre, absolument. D'une liberté souveraine.
Ces phrases suscitent un élan si communicatif qu'elles me rendent carrément lyrique ... Tant pis. En outre cela ne doit pas nous empêcher d'apporter un nécessaire bémol, en remarquant la dissonance dans « je veux entendre ta pensée souveraine ». C'est ce qu'on appelle une injonction paradoxale. Tout comme la publicité d'une marque bien connue vous enjoint : « Be yourself ». Il est évident que si je veux être myself pour de bon, je ne risque pas de me conformer à l'uniformité des articles de mode (à la mode du jour) que l'on espère me fourguer.
Nous noterons cependant que l'avantage avec Zarathoustra c'est qu'il n'a rien à fourguer. Voilà qui donne à son discours une certaine crédibilité.
Et donc prenons-le au mot pour le lire en toute liberté, et en dire tout ce qu'il nous plaira. Pour répondre à sa souveraineté pensante par la nôtre.
Non sans ajouter, bien sûr : « toutes choses égales par ailleurs ». (J'adore cette expression où le souci scientifique flirte avec la poésie absurde).
Commentaires
Réjouissant ! :)
Je n'aurais pas trouvé mieux comme qualificatif, "réjouissant" est parfait !
Delly, Laurent,
Merci pour votre lecture. Je suis bien contente de n'être pas seule à puiser réjouissance dans les mots de Nietzsche. Voilà qui m'encourage à continuer mes fantaisies lectrices ...