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Liberté chérie

« Une vie libre reste encore ouverte aux grandes âmes. Vrai, quand on possède peu on est d'autant moins possédé : louée soit la petite pauvreté ! »

(Ainsi parlait Zarathoustra. De la nouvelle idole)

 

Louée soit la petite pauvreté : on dirait du François d'Assise. Inattendu ce moment de fraîcheur, de naïveté presque, dans une œuvre aussi rugueuse et violente, aussi killbillesque que Zarathoustra ... Une doublure de soie suave à l'intérieur de la cuirasse du guerrier.

Je vous cite cette phrase parce qu'elle me plaît. Mais l'honnêteté m'oblige à signaler qu'elle n'est pas représentative du ton général du discours, qui ne brille pas par sa limpidité franciscaine. Ainsi il est un des (trop) nombreux passages de Zarathoustra susceptibles d'interprétations fort divergentes (d'où comment faut s'accrocher pour essayer de comprendre ! Mais bon je vais pas me plaindre personne m'oblige après tout). Interprétations dont certaines me gênent carrément. « Tu t'en fiches, dis ce que tu as à dire ! » OK j'y vais.

La nouvelle idole en question, c'est ce qu'il appelle l'Etat, « le plus froid des monstres froids ». Mais que ne se réjouissent pas trop vite les libéraux voire libertariens pour qui l'Etat c'est caca (sauf quand il vient au secours des banques, aide les entreprises sans contrepartie et sans qu'elles daignent acquitter leurs impôts etc.) Car je crois que ce qui est désigné ainsi n'est pas une structure, mais une façon de faire-société où les gens renoncent à leur liberté, à leur capacité créative, en échange des supposés bienfaits de cette idole, un cheval de mort tout cliquetant des oripeaux d'honneurs divins. Honneurs qui se résument au duo interactif pouvoir-argent (le pouvoir par l'argent l'argent par le pouvoir) dont nous avons mille exemples quotidiens dans la ci-devant économie et la prétendue politique. « Ils veulent le pouvoir, et d'abord le levier du pouvoir, beaucoup d'argent – ces impuissants ! Voyez-les grimper ces singes agiles. Ils grimpent les uns sur les autres et ainsi s'entraînent dans la boue et l'abîme ».

Mais ne pas regarder seulement loin, là-haut, eux. Car ces singes grimpants évoquent aussi les bassesses en série qui construisent la pyramide de la « servitude volontaire ». La Boétie explique que le ressort du soutien à la tyrannie est très simple : corruption à tous les étages. « Qui voudra en dévider le fil verra que (…) des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue (...) On en arrive à ce point qu'ils se trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait ».

Ce livre de 1576, écrit dans un contexte de pouvoir politique absolu, reste d'une brûlante actualité, d'une indépassable pertinence jusque dans nos démocraties. Étonnant, non ? Non : sous le règne du Tout-Marché mondialisé, plus que jamais la liberté n'est accessible qu'à condition de prendre acte du fait qu'elle est une des trois choses qui n'ont pas de prix.

Les autres ? Eh bien : la vie, l'amour. What else ?

 

 

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