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A distance respectueuse

« Depuis qu'il y a des hommes, l'homme a trop peu été dans la joie : voilà, frères, notre seul péché originel. Et mieux nous apprenons la joie, d'autant mieux nous désapprenons à faire du mal aux autres, et à concevoir le mal. » (Ainsi parlait Zarathoustra. Des compatissants)

 

Voilà qui évoque irrésistiblement Spinoza et son Ethique. La joie puissance, la joie source d'agir positif. Et réciproquement la joie signalant qu'on peut inscrire le signe plus sur une motion psychique. Aucun hasard : Nietzsche ne se cache pas d'avoir été impressionné par la lecture de Spinoza.

Le discours Des compatissants contient des notions-clés de la pensée nietzschéenne. Ce qui ne gâte rien, elles sont exprimées dans une clarté fort agréable, pour ne pas dire reposante. La lampe est juste réglée comme il faut pour qu'on y voie bien clair sans se sentir agressé par une pléthore de photons. Pas l'éblouissement et l'éclair dont il est si coutumier, tel le midi d'été « flambant » du discours De la canaille (on en parlera bientôt). On est toujours dans l'option lucidité maximale, mais pour une fois Zarathoustra la module en une lumière douce.

 

En fait, lecteur, me voici saisie par la tentation de te dire : va lire ce discours de bout en bout, il se passe de commentaires. Pour ma part il me touche surtout parce qu'on y perçoit une présence tendre et délicate, infiniment respectueuse de l'autre. Mitleidigen : c'est à dire compatissants, oui, mais sans nuance de condescendance.L'idée de « prendre part » à l'autre, mais sans intrusion, en lui laissant son autonomie, son périmètre personnel.

« Si ton ami est malade sois un lieu d'accueil pour sa souffrance, mais sois un lit dur, un lit de camp : c'est ainsi que tu lui seras le plus utile. »

La compassion oui, l'infériorisation non. Aider l'autre à (re)trouver sa force, plutôt qu'à s'abandonner. Bref donner vraiment, sans taxer au passage un petit bénéfice secondaire sous forme d'emprise affective, de gain d'image.

 

1) Ceci est du vécu de toute évidence pour ce souvent souffrant que fut Nietzsche, et donc parfois « aidé ».

2) Dommage qu'il n'ait pas eu d'enfants : quel père, quel éducateur il aurait été ! Quoique « Je me sacrifie à mon amour, et mon prochain comme moi-même, ainsi s'expriment tous ceux qui créent. Ils sont durs, les créateurs.» Et égoïstes forcément. Le tout est qu'ils soient des égoïstes heureux (mais c'est l'espèce la plus rare). Ainsi dans leur œuvre ils mettront un peu de joie, pour qu'elle y demeure. Et qu'on puisse aller l'y chercher.

 

 

 

 

 

 

 

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