« Confits en honorabilité, vous vous tenez là, rigides, le dos droit, vous les sages illustres ! - ne vous poussent ni vent fort ni volonté forte. »
(Ainsi parlait Zarathoustra. Des sages illustres)
Les sages illustres en prennent bien pour leur grade dans ce discours. Zara les killbille-t-il pour leur sagesse ou leur illustritude ? Comme souvent il fait coup double. Les sages ne sont illustres que parce qu'ils se situent dans la fourchette d'une sagesse médiane. S'assurant ainsi un revenu bien au-dessus du revenu médian. Jalouse vous dites ? De leur revenu oui. Le médian, médiocre, quelque nom qu'on lui donne, est d'un bon rapport célébrité/pensée. Label du sage-illustre : le confort par le conformisme. Il retaillera à sa façon la sagesse-standard, comme on relooke la robe de banal prêt à porter (y a pas que Nietzsche dans la vie, et le magazine féminin c'est plus vite lu). Or pour relooker, demandez à n'importe quel Karl (Marx ou Lagerfeld) : rien de tel que l'accessoire.
« Vous tous les sages illustres, c'est le peuple que vous avez servi et la superstition du peuple, ! - et pas la vérité. Et c'est précisément pourquoi on vous payait une taxe de respect. »
Comme Zarathoustra, le sage illustre ne se prive pas de parler. Sauf que lui il cause en politically correct dans le texte. Et voilà pourquoi votre fille – Vérité en l'occurrence - est muette. Mais qu'est-ce que la vérité ? Question piège qui peut renvoyer à l'essentialisme et à l'intolérance. Nietzsche ne tombe pas dans le panneau. « Ne sois pas jaloux de ces intransigeants qui te pressent, toi qui aimes la vérité ! Jamais encore la vérité ne s'est accrochée au bras d'un intransigeant. » (Des mouches du marché)
Meilleure question : en quoi le désir du vrai modifie-t-il le sage, que produit-il dans sa vie concrète ? La vérité, ça fait quoi ?
« C'est au désert qu'ont habité depuis toujours les tenants de la vérité, les libres esprits, comme des seigneurs du désert ; mais dans les villes habitent les sages bien nourris, illustres – les bêtes de trait (…) Celui qui est haï du peuple, comme un loup l'est des chiens : c'est le libre esprit, l'ennemi des chaînes, le non-religieux, l'habitant des forêts. »
Le désir d'être vrai détermine une ligne de partage, telles les Pyrénées chez Pascal (pour la vérité justement). Ceux qu'on dit sauvages ou rebelles, parce qu'ils ne sont pas canailles, valets, domestiques, vivent au-delà de la frontière de vérité, ils en ont franchi la ligne comme un Rubicon. Au-delà de la ligne est le « désert », pays des non-conformes, où l'on est juste soi, pays où souffle un grand vent de liberté. « Pareille à la voile frémissante sous l'impétuosité de l'esprit, sur la mer elle va, ma sagesse – ma sagesse sauvage ! ».
Tandis qu'en deçà de la frontière, à l'enclos des faux-semblants pâturent les bourrins.