« C'est le pays de vos enfants que vous devez aimer ».
(Ainsi parlait Zarathoustra. Des vieilles et nouvelles tables n°12)
Évidemment ! Quoi d'autre ? Quoique. Imaginons. Des choses improbables, absurdes.
Imaginons un pays qu'on nommerait d'un vieux nom, une vieillerie exhumée des violences médiévales. Ce ne serait pas une blague, ne riez surtout pas. Ce ne serait pas non plus un moment de cinéma-nostalgie en costumes d'époque et tout et tout. Non, non, on y croirait dur comme fer. On l'aimerait tant qu'on lui sacrifierait comme à un Moloch ses enfants, des vrais enfants d'aujourd'hui, faits en vraie chair, en vrais désirs, en vraie vie.
Ailleurs encore, on en sacrifierait plein d'autres, d'enfants, au nom d'ancêtres vénérés, de bout de terre fétichisé. Ou même au nom des deux. Sans oublier le nom de quelque Dieu. Du côté de Donetsk, vers Gaza ou Jérusalem. Et puis ici et là en Afrique, en Asie.
On enrôlerait ses enfants dans les vieilles guerres. On leur donnerait pour guides des fantômes. On n'aimerait pas le pays de ses enfants, on aimerait le pays de ses morts. Parce que ce qu'on aimerait vraiment, ce serait la mort elle-même, d'un amour passionné, exclusif ...
Que de choses improbables, absurdes, n'est-ce pas ? Nous avons décidément trop d'imagination. Ou trop peu ?
« Je n'aimerai plus que le pays de mes enfants, l'île inconnue au cœur des mers lointaines ; c'est sur elle que je mettrai le cap, sans me lasser. » (Du pays de la culture)
Pays de la culture (on traduit aussi civilisation). Pays « adieu folie suicidaire bonjour raison ». Adieu raison d'état à tous les sens (surtout état de guerre), bonjour raison du devenir.
Pays de la raison de vivre.
Autant que l'ami Friedrich, papa Sigmund sait trouver les mots :
La culture est un procès particulier se déroulant à l'échelle de l'humanité (…) un procès au service d'Eros, qui veut regrouper des individus humains isolés (...) en une grande unité, l'humanité.(...) Mais à ce programme de la culture s'oppose la pulsion d'agression naturelle des hommes, l'hostilité d'un seul contre tous et de tous contre un seul. (…) Ce combat est le contenu essentiel de la vie en général et c'est pourquoi le développement de la culture doit être, sans plus de détours, qualifié de combat vital de l'espèce humaine.
Freud (Malaise dans la culture. 1929)
Bien dit. Cultivons- « nous ». La seule culture vraiment bio.