« Ils sont morts tous les dieux ; à présent nous voulons que le surhumain vive, - tel soit un jour au grand midi notre dernière volonté. »
(Ainsi parlait Zarathoustra. De la vertu qui offre)
Ce truc du surhumain, ça n'y serait pas, ça m'arrangerait je l'avoue. Vu que je n'ai pas l'intention de (ni ne me suis engagée à) lire Zarathoustra in extenso, je ferais bien l'impasse. Mais ce ne serait pas très fair play, car le surhumain il faut bien le dire est central dans le texte. Va donc falloir que je m'y colle. Cache ta joie. En fait, ce n'est pas désintérêt mais peur de raconter des bêtises assortie de paresse à les argumenter. Et surtout, (je vous dis tout au diable la vergogne) j'éprouve comme une vague responsabilité (à mon infime mesure d'accord mais bon) : éviter à Nietzsche les récupérations perverses. Risible, non ?
Oui mais on le sait, sa sœur, épouse d'un adhérent du so-called « Parti Antisémite » (oui déjà 50 ans avant), essaiera d'y faire servir les écrits de son frère. Idiote, salope, les deux ? En tout cas le frangin en est énervé, et plus encore dit-il, blessé. « C'est pour moi une question d'honneur que d'observer envers l'antisémitisme une attitude absolument nette et sans équivoque, savoir : celle de l'opposition, comme je le fais dans mes écrits.(C'est moi qui souligne) On m'a accablé dans les derniers temps de lettres et de feuilles antisémites ; ma répulsion pour ce parti (qui n'aimerait que trop se prévaloir de mon nom !) est aussi prononcée que possible. » (Lettre à sa sœur du 26-12-1887 citée par P.Wolting, édition 1001 Pages/Flammarion des œuvres complètes). Voilà, ça c'est fait.
Bref pour me dépêtrer du surhumain m'est venue va savoir pourquoi l'idée de passer par Gen 4. Je trouve que le rapprochement a des arguments pour lui : l'imprégnation biblique de Nietzsche, l'hypersensibilité à l'accueil/rejet (de lui-même de son discours) dont fait preuve Zarathoustra (même si c'est souvent sur le mode « même pas mal »). Et puis bien sûr le démontage du fantasme de la transcendance qui est le fait majeur de toute la pensée de Nietzsche.
Laissez-moi vous expliquer.
Gen 4 conte en effet la tragique histoire de Caïn et Abel. Elle n'est pas sans évoquer une variation du bien connu « les parents boivent les enfants trinquent ». Au chapitre précédent, Gen 3, fatale dégustation par Adam et Eve du fruit de l'arbre « connaissance du bien et du mal ». Quelle idée de losers quand même, alors qu'il ne devait pas manquer en Eden je sais pas moi, de figuiers, de pêchers … Le fruit en question est assez lourd à digérer, et en plus ils se retrouvent virés du paradis. Cela dit, passé le choc, la vie hors Eden continue ma foi. Ils ont deux fils. Et les fils s'organisent, trouvent un job. Caïn cultive la terre, Abel élève des ovins.
Jusqu'ici tout va bien.