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Dégonflés

« Vrai, nous rêvons toujours du royaume des nuées ; nous y installons des baudruches bigarrées que nous appelons Dieux et surhumains »

(Ainsi parlait Zarathoustra. Des poètes)

 

« Restez fidèles à la terre, mes frères, avec la puissance de votre vertu ! Que votre amour qui offre et votre connaissance servent le sens de la terre.

Ne la laissez pas s'envoler du terrestre et cogner des ailes contre des murs éternels ! Hélas, il y a toujours eu tant de vertu envolée !

Ramenez, comme moi, la vertu envolée à la terre – au corps et à la vie : pour qu'elle donne son sens à la terre, un sens humain ! »

(De la vertu qui offre)

 

Ces deux citations formulent le processus de l'aliénation religieuse et la façon de s'en libérer.

Citation 1 : on se fabrique des dieux-baudruches, machins impressionnants mais pleins de vide, de l'irréalité de l'imaginé. Cependant ils squattent notre champ de vision tant ils sont bigarrés et « en jettent ».

Remarquons que le geste humain suggéré de souffler pour gonfler une baudruche-dieu est la version grotesque et inversée de ceci : « YHWH forme l'adam de la poussière de la terre, il souffle en ses narines l'haleine de vie : et c'est l'homme, un être vivant. » (Gen 2,7)

(Voir le mot célèbre de Voltaire « Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu. »)

Nietzsche note bien que la fonction du dieu ainsi conçu est d'être sur-humain au sens trivial de super-humain. Autrement dit il est projection du fantasme de toute-puissance, de toute-tout-ce-qu'on-voudra, bref une bulle narcissique placée au ciel en tant que support de l'auto-idolâtrie humaine. (Freud ne dira pas autre chose, ajoutant que cette exaltation narcissique est la compensation d'un sentiment d'impuissance et de fragilité face au monde).

 

Citation 2 : Comme s'il commentait Gen 2,7, Nietzsche renvoie l'adam à la terre dont il est issu et solidaire (adama = terre en hébreu). Autrement dit renvoie l'humain à l'immanence. Non pas comme une renonciation à la transcendance, mais bien parce que le sens est dans l'immanence et pas ailleurs. (Spinoza n'a pas dit autre chose : Par réalité et perfection j'entends la même chose).

 

En outre, comme il est superbe de légèreté, de fantaisie, ce plaidoyer pour l'immanence ! Elle est si drôle et si jolie la métaphore qui fait voir le petit ange vertu attiré par les faux semblants de la transcendance, telle une phalène par la lampe, et que vient sauver la main secourable, la main de chair de l'humanité.

 

Nietzsche ou l'accord parfait entre éthique et esthétique. 

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