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Lester l'instant

1) Le revivre dans ce texte du Gai savoir (lire vend 10 av) est sans rapport avec le cycle des réincarnations à la mode bouddhiste ou hindouiste. Il ne se déploie pas comme un itinéraire dont chaque étape rapprocherait de l'être accompli.

La vie revécue « ne comportera rien de nouveau ».

 

2) Une répétition dont le re- aurait un sens particulier. Il s'agit d'un re-vivre qui ne relativise pas l'instant, ne l'use ni le désamorce. Au contraire il produit un branchement vers un potentiel énergétique incommensurable (un agir lesté du poids le plus lourd). Vivre la même chose ou pas, répéter ou pas, n'est pas la question. Elle est dans l'intensité du désir (combien aimer et toi-même et la vie) : ce qui compte est vivre la chose-même, dans le cœur, le noyau de la vie et du temps. Plus qu'un re-vivre, l'éternel retour nietzschéen propose le vivre sous forme absolue, disons un sur-vivre (pour un sur-humain, logique).

 

3) Dans ce passage Nietzsche figure l'instant selon deux modalités à la fois. D'une part comme inscrit dans le temps linéaire, participant de la durée (au moment précis où Nietzsche trace ces mots sur sa feuille). D'autre part cet instant est considéré en tant que support du concept-temps lui-même.

 

Ce qu'il s'agit de prendre en compte, c'est que ce rôle de support est de même celui de l'ensemble des instants et de chacun d'eux. (Dans tout élément concret d'une chose est nécessairement présent le concept de cette chose). Et c'est bien cette vision qui change tout. En fait Nietzsche relate ici l'expérience de ce que Spinoza dans l'Ethique nomme « connaissance du troisième genre », branchement direct de la conscience sur la substance unique nommée par lui « Dieu ou la nature ». (cf ce blog notes 22 et 28 juin 2013)

 

5) Dieu m'arraisonne, nous voici en plein surf sur la vague (le vague?) du mysticisme, ou pas loin. C'est pourquoi cette histoire d'éternel retour j'aurais préféré l'éviter, pour ne pas léviter dans ces hauteurs. Mais qu'y puis-je c'est ainsi : Nietzsche et Spinoza partagent les ingrédients d'un cocktail original autant qu'efficace : 1/3 intellectualité, 1/3 mysticisme (a-religieux/a-thée), 1/3 accroche radicale à la réalité et à l'immanence. Avec pour touche finale assaisonnement poésie lyrique pour l'un, logique mathématique pour l'autre. Faites votre choix. (Moi je mélange les deux sans modération – tout s'explique, direz-vous).

 

6) Ce n'est pas parce qu'il serait exceptionnel que cet instant de gai savoir est prodigieux. Le prodige, c'est à nous qu'il appartient de le produire en tout instant du temps de notre vie. En lestant l'instant de son poids le plus lourd, le poids absolu de « tout est là ». Et alors ce tout, et alors ce poids, le prendre sur soi, l'accueillir pour soi. « Car je t'aime, ô éternité ».

 

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