(N.B. Pour le topo d'excuse sur mon incapacité technique à vous mettre l'image sous les yeux cf 21 avril)
Il est des œuvres ravageuses de fiches. La laitière de Bordeaux est de celles-là. Si j'étais badine, déjà je dirais que l'association lait et Bordeaux, ça fait un peu j'ai mélangé mes fiches sur les liquides. Mais Dieu me desprogise, la badinerie n'est pas ma tasse de thé. Même avec un nuage de lait.
Le tableau date de 1827, Goya est mort en 1828. La laitière pourrait donc bien être sa dernière réalisation achevée. Sauf que plusieurs spécialistes mettent en question l'attribution à Goya. Pourquoi ? Je n'ai pas bien compris. Faut dire que pour moi la question n'est pas brûlante. 1°) Qu'il soit de Goya ou pas ce tableau est un chef d'oeuvre (notion ô combien indépendante de tout fichage). 2°) Contrairement aux critiques homologués, je n'ai rien à gagner ni à perdre dans ce débat. Cela ne m'empêchera de donner mon avis sur la question, car sans me vanter j'en ai un (vous vous en doutiez un peu).
Mais revenons au doute critique. Il repose sur le fait que ce tableau est d'une manière non encore vue dans le reste de l'œuvre. « Comment comment au dernier moment il viendrait nous brouiller nos fiches en essayant un nouveau truc ? » D'abord on ne voit pas au nom de quoi Goya se serait interdit d'essayer autre chose, de faire encore du nouveau, même au bord de la mort. Au contraire, n'est-ce pas le moment ou jamais ? « Ouais à condition d'en avoir encore les moyens, la force, l'envie. En 1827 le vieux tapait les 71 berges quand même. » Et Picasso, hein ? Pour n'en citer qu'un. (Pour que la comparaison tienne parfaitement la route style toutes choses égales par ailleurs je prends un compatriote de Goya).
Cela dit même en surfant hors fiches il me faut admettre que La laitière est exécutée selon une manière peu représentée chez lui. Mais voilà elle m'évoque cependant au moins deux toiles majeures de la fin de sa vie, Le repentir de Saint Pierre (achevé en 1824) et devinez quoi Le chien, oui « notre » petit chienchien à nous-mêmes.
Pour le rapprochement avec Saint Pierre, même surgissement du sujet en gros plan, inscrit de façon assez proche dans un large triangle à peu près équilatéral. Même structure du costume : robe ou tunique, sur laquelle est drapée une étoffe (fichu pour l'une genre de cape pour l'autre). Même désignation conventionnelle du personnage, avec apposition d'un logo clés du paradis pour l'un, cruche de terre pour l'autre (traités très différemment OK, mais là on en est à la ressemblance).
Pour le rapprochement avec Le chien, traitement similaire du fond, aussi bien dans le style de la touche que dans la tonalité, avec même présence duelle dans la couleur (ocre pour l'un verte pour l'autre) : noir de plomb combiné à la lumière.
Bref regardons la laitière en la considérant comme le troisième panneau d'un triptyque qu'elle formerait avec Pierre et le chien. (A suivre)