Dans les années 1820-23, Goya peint un tableau nommé « Le Chien ». Il a plus de 70 ans. Pas le chien, Goya. Ne me demandez pas à quoi correspond 70 ans en âge chien. Je sais qu'il y a plus ou moins une manip à faire avec le chiffre 7. Ou 6 ou 5 ? Mettons 7, mais faut-il multiplier ou diviser ? 70 divisé par 7 = 10. Multiplié par 7 = 490. Ça fait beaucoup quand même. Divisé donc.
Maintenant la question est de savoir si le chien que peint Goya sur ses 70 ans a le même âge que lui, donc disons 10 ans. J'incline à penser que oui, pour la bonne raison qu'il ne faut pas être grand critique d'art ni très fin psychologue pour deviner que ce chien fait office d'autoportrait.
Il eût été utile, direz-vous, que je misse l'image en question sur cette page ici-même, afin que vous pussiez suivre plus facilement mon petit laïus, qui sera n'en doutez pas fort éclairant. Mais à propos d'autoportrait, parmi mes (nombreuses) qualités figure en bonne place l'incompétence avec les ordinateurs. Peut être le nom et les associations qu'il induit pour moi ? Grand ordinateur, grand inquisiteur, grand gourou, chef en chef, maître des maîtres. Bref le chien de Goya il faut aller le voir par vos propres moyens (en tapant «Goya le chien» par exemple, c'est facile même moi j'y suis arrivée).
Pourquoi faire son autoportrait sous la forme d'un chien ? Goya n'est plus là pour nous le dire. En outre les artistes ne pensent pas, ils créent. La question du pourquoi n'est pas la leur, ils nous la laissent. Dont acte. Mais regardons d'abord l'œuvre de plus près. Le sujet, le chien en question, n'occupe en fait qu'un pourcentage réduit de la toile, seule sa petite tête noire en émerge.
La composition est en trois plans. Au premier plan une sorte de talus couleur terre de Sienne, le bord d'un chemin dirait-on, qui présente sur la moitié droite une brusque pente ascendante.
A l'arrière-plan un fond dans les couleurs ocres qui occupe les 4/5 du tableau. Ce n'est pas tout à fait un ciel plutôt une nébulosité. Vraiment plombé dans la partie supérieure, il s'éclaircit, s'illumine même, en descendant vers le talus. Là précisément où apparaît la tête de chien, située dans le plan intermédiaire entre le fond nébuleux et le talus de terre, un peu à gauche de la brusque montée du talus.
Le chien regarde vers la droite, vers la montée donc, truffe en l'air, oreille en train de se dresser, œil écarquillé. On dirait qu'il surgit de derrière ce talus répondant à un appel, ou attiré par un bruit, un mouvement.
Dans le bouquin où je regarde cette image, le commentaire d'un critique voit dans l'attitude du chien « crainte et résignation ». Je ne me pensais pas jusqu'ici grande spécialiste en comportement canin (vu que j'ai la phobie des chiens, Dieu me muselle je vous l'ai déjà dit, non ?) : eh bien j'ai trouvé plus nul que moi. Un chien résigné baisserait la tête et les oreilles, un chien qui a peur s'aplatirait, se préparerait à faire demi-tour, la queue entre les pattes.
Le chien de Goya, lui, est juste en arrêt. Et, on le devine à sa seule tête (bravo l'artiste), il est aux aguets, tout excité dans l'attente. Attente de quoi ? Est-ce une attente angoissée ?
(A suivre)