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Résultats idées problèmes

Freud consacre les derniers mois de sa vie, en 1938-39, à rédiger les trois versions successives de l'essai « L'homme Moïse et le monothéisme », qu'il considère comme son testament. Et qui de fait l'est à bien des égards, on en reparlera peut être. Une œuvre étonnante, pour ne pas dire déboussolante, qu'il travaille dans un acharnement et une énergie tout aussi étonnants pour un homme de 82 ans, à qui les douleurs de son cancer ne laissent guère de répit. Un homme dont à ce moment des parents sont happés par la machine antisémite nazie, qui ne l'aurait pas épargné non plus s'il n'avait fui juste à temps. Bref un exilé non seulement de sa Vienne chérie, mais de sa foi humaniste. Et un homme en instance de l'exil définitif, celui de la vie.

Et puis, outre ce travail plus construit, il continue ce qu'il a toujours fait comme les autres intellectuels ou créateurs : prendre des notes au jour le jour, sous l'intitulé Résultats, idées, problèmes. (Ergebnisse, Ideen, Probleme)

Un intitulé déjà fort instructif en soi, et indéniablement représentatif du besoin d'ordre, de bilan et d'anticipation de tout obsessionnel qui se respecte.

 

Résultats. « Bon, ça c'est fait. Emballez c'est pesé, pensé, revu et corrigé. Plus la peine d'y revenir. Ou alors me faudrait un temps que je n'ai plus. Vu le niveau du sablier, je pare au plus pressé. Et puis bon des résultats, ça en fait déjà quelques uns. Pas autant que j'aurais voulu. (Un peu plus quand même que ce qu'a choisi d'en dire Onfray. Si je risquais une interprétation sauvage - autant agir selon l'image qu'il a de moi - je dirais qu'il a du mal à me vouloir du bien. Ce n'est pas ce que je lui demande, ni à personne d'ailleurs. Je me contente de rappeler le mot de Camus que je cite en substance, 'je ne demande pas qu'on soit d'accord avec moi, mais seulement qu'on prenne la peine de me lire vraiment.' Voilà, ça aussi c'est fait.) »

 

Idées, problèmes. Des mots qui disent : il y a encore tant de pistes à explorer, tant de questions à creuser. Autant résultats sonne ça c'est fait, autant ces deux mots notent le jaillissement encore de la pensée, comme un cours d'eau pas près de se tarir.

 

Car si Moïse est un testament c'est à dire une œuvre écrite en face de la mort, avec Résidépro la mort, Freud l'ignore avec une belle indifférence. Dans ces petites notes ce n'est que la vie toujours à l'oeuvre, la curiosité, l'acte de penser, intacts, vibrants. Des fourmis dans la tête comme on en a dans les jambes. Un écrit qui fait un pied de nez à la mort, l'écarte de ce geste instinctif qu'ont les enfants quand vous les gênez, tout concentrés qu'ils sont sur leur jeu.

Résidépro c'est pour Freud un dernier "précipité" de libido, dans la chimie qui met en présence un temps et un désir. « Le désir, ce fils immortel de l'enfance de l'homme. »

 

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