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Neurotic park

« Avec le névrosé on est comme dans un paysage préhistorique, par exemple au jurassique. Les grands sauriens s'ébattent encore, et les prêles sont hautes comme des palmiers (?). »

(Résultats, idées, problèmes. 12-7 1938)

 

Le point d'interrogation est de Freud. Trace d'un doute. Sur quoi ? Le fait qu'il y ait des prêles au jurassique ? Ou des palmiers ? Pour moi ce point d'interrogation signifie « je m'étonnerai toujours : où vais-je chercher tout ça ? ». Mais dans votre ça, Papa Sigmund, où voulez-vous donc ? Car le ça, vous nous l'avez assez seriné, c'est comme à la Samaritaine on y trouve tout. Chacun y cherche son chat ou quoi que ce soit. Alors des dinosaures pourquoi pas ?

En tous cas quelle image ! Est-elle auparavant dans un autre écrit, je ne crois pas. C'est le côté condensation, noté vite fait, de Résidépro qui a pu induire cette cristallisation métaphorique spectaculaire. Cinématographique disons même, pour notre imaginaire post-spielbergien. Freud met sous nos yeux avec ce paysage jurassique une idée maintes fois formulée, assénée (dirait certain) : la névrose puise son ressort et son mécanisme dans notre vie psychique archaïque. Et plus encore maintient toute la vie ce fonctionnement archaïque comme à l'état naissant : les grands sauriens s'ébattent encore.

 

Figuration de la pensée ou du mot convertis en images : fait du rêve ou du délire. Et d'ailleurs dans le rêve chacun se fait psychopathe, hallucinant sa pensée et son désir, dans l'ignorance ou le rejet des médiations temporelles et logiques, sans repères moraux et sociaux.

Il y retrouve son comportement de bébé, de petit humain dans la préhistoire de sa vie, qui ne distingue pas son moi et ses émois du monde et de ses lois.

Pour lui à son échelle, les formes floues des adultes qui se meuvent autour de lui, oui ça ressemble à des dinosaures. Plus exactement il reconstruit rétrospectivement la ressemblance quand, petit enfant, il a sous les yeux un livre, un docu à la télé, un film d'animation. Ambivalence logique donc, de l'enfant envers les dinosaures, mi-doudous mi-monstres, si semblables aux figures parentales, grands sauriens des temps archaïques qui s'ébattaient entre eux de manière incompréhensible, dont il attendait protection, redoutait l'abandon, dans sa Hilflösigkeit (en manque d'aide) fondamentale.

Un sentiment proche nous atteint à l'autre bout d'une vie : menace de forces obscures et impensables, ombres floues aux abords du dernier passage. Quoi d'étonnant alors que le vieux Freud, dans son génie névrotique – sa névrose de génie - en fantasme l'illustration à partir de son regard de bébé, jamais perdu bien que refoulé ?

Sauf que, parions-le, bébé Sigmund se souciait peu de la différence d'échelle entre la prêle et le palmier, jusqu'à ce que Monsieur Freud se préoccupe de soulever cette question et les préoccupations phalliques associées.

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