Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Atopique

On croit les objets silencieux, en réalité la plupart sont très bavards. Surtout ceux formatés pour l'essentielle justification d'une existence sous le règne du Tout-Marché : la célébration de la Sainte Concurrence.

Un bon exemple en est cet objet au carré qu'est le bien nommé emballage ou conditionnement, chargé en effet d'emballer, conditionner, bref racoler le client. D'abord au premier coup d'œil, par l'exhibition du logo de la marque dont il est marqué tel un bétail bêlant, dont il arbore les couleurs, tel un chevalier au service des grands feudataires des multinationales.

Mais le logo ne suffit pas à emballer tout client. Il en est chez qui le matraquage publicitaire ne provoque pas allégeance pavlovienne immédiate. Un consommateur moins facile à sommer, qui ne se satisfait pas de valoir bien tel produit, autrement dit d'en être l'équivalent, pareillement monnayable et inscriptible dans le chiffre d'affaire du fief. Qui ne se satisfait pas d'être ainsi pris pour un objet, mais a la prétention d'exister en tant que sujet. Qui ose se demander non ce qu'il peut faire pour le produit mais ce que le produit peut faire pour lui. Celui-là lira le discours affiché sur l'emballage.

Ainsi mon tube de crème de jour proclame la Parole en deux versets : « Cette crème apaisante soulage, hydrate et calme les irritations.

Elle est spécialement indiquée pour les peaux très sensibles et atopiques. »

a) Je confesse user d'une crème de jour depuis mes 15 ans. b) Aujourd'hui ma désormais vieille peau dédaigne le maquillage : inanité d'une dénégation de l'âge qui ne ferait que l'accuser. Simplification aussi : il est superflu de se composer un visage lorsque l'âge vous autorise enfin à ne plus avoir à faire bonne figure. c) Ma vieille peau ne dédaigne pas, nonobstant, calme de ses irritations (qui ne sont pas seulement physiques vous vous en doutez, quoi de plus urticant que la bêtise ou le mensonge par exemple). Quant aux luxe et autre volupté que mon albatrisme baudelairien (cf 18 juin) pavlovise au mot de calme, je n'ai rien contre. Petit ennui : si la volupté reste accessible, le luxe est définitivement exclu. Mais laissons les états d'âme pour les mots.

Mon préféré ici est atopique, séduisant en moi la joueuse par l'assonance avec atout pique, l'optimiste par l'assonance avec utopique. Dans mon inculture dermatologique je me suis demandé si ce n'était pas une coquille pour atypique (ou bug dans la traduction : la marque en question est allemande. Voilà avoué mon péché contre notre balance commerciale. Et puis quoi ? J'y suis pour rien si on n'a pas encore fait les États Unis d'Europe avec harmonisation budgétaire et fiscale, politique commune de défense d'énergie et d'accueil des immigrés, hein). Bref l'inculture dermatologique ne nuit pas pourtant à l'instinct sémantique, car Robert me dit que atopia signifie en grec rareté, le contraire du lieu commun disons.

Conclusions a) On a l'atopie qu'on peut. b) En pratique ça semble désigner une peau allergique. c) Je suis pas allergique mais phobique on peut pas gagner sur tous les tableaux. d) Une peau atoutpique ne me dirait rien qui vaille mais utopique je prends. Pour faire peau neuve et les États Unis d'Europe.

Les commentaires sont fermés.