Sans me vanter et Dieu me prête vie (sans intérêt SVP merci) j'aimerais mourir en été. Attention ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : je n'aimerais pas mourir, tout court, mais mourir-en-été. Sous-entendu à la grande rigueur ne pas mourir du tout (oui c'est pas de moi et alors du moment que c'est génial) (non je n'ai pas dit génial « aussi », car sans me vanter je suis presque aussi humble que Proust). Mourir en été donc, exclusivement pour le cas où je ne puisse faire autrement que mourir, naturellement. Et il semble que je ne pourrai pas, naturellement. Dont acte, mais tant que j'ai mon mot à dire j'énonce ma préférence pour l'été. Voilà.
L'été on ne s'en lasse pas, faites un sondage. Quelque saison que les gens disent préférer, ils finiront toujours par admettre que a) l'hiver si vivifiant, la magie de la neige, les soirées autour d'un bon feu de bois euh au bout d'un moment on attend vraiment que le printemps arrive b) le printemps les arbres en fleurs, le renouveau de la nature, la poussée de la sève et pas que dans les arbres on dit OK maintenant passons à autre chose c) l'automne on aime bien, mais à condition que ça ressemble encore un peu à l'été. Et tous concluront l'été oui en fait c'est toujours bien, on pourrait y rester.
Bref en opinion favorable chaque saison récolte un pourcentage honorable, mais s'il s'agissait de voter, l'été serait élu, et au premier tour encore.
Interrogez vos fibres : l'été est saison de dilatation, d'épanouissement, saison d'adhésion totale et profonde à ce qui est là. Y compris à soi-même. Oserais-je dire saison spinoziste (bien que ça soit pas facile à prononcer) ? Allez oui j'ose car Dieu me conatise si c'est pas dans mon blog que je dis ce que je veux comme je veux, à ma manière, où alors, hein ?
Même la canicule ne peut refroidir ma passion pour l'été. Au contraire elle est pour moi je crois bien sa configuration normale, ce qui fait que l'été honore parfaitement sa nature estivale. Dans mon pays méridional, sentir par grosse chaleur la terre se sublimer en exhalant des vapeurs de graminées, de thym et autres herbes aromatiques desséchées, eh bien c'est sublime voilà un point c'est tout. Et l'odeur des immortelles, quintessence mystique de paille et de lumière ... Là je vous entends penser « Serait-ce, Dieu nous lacanise, à cause d'un mot, immortelle, qu'elle parle de mourir l'été ? » Allez savoir ...
Certitude en tous cas : l'été est saison sans défaut. J'entends qu'il ne peut vous faire défaut, vous manquer. On peut s'y abandonner, s'y laisser aller sans réticence. Il est enveloppant, protecteur. En fait le mot le plus exact est « utérin ». Et c'est pourquoi sans doute on peut, en été, et en été seulement, envisager la mort sans (trop) d'angoisse. Comme si, dans le giron d'été et l'imbibition de sa chaleur amniotique, il devenait possible de consentir joyeusement à l'inscription dans le cycle de la vie et de la mort.