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Faire le ménage ?

« Ceux qui, en m'oyant dire mon insuffisance aux occupations du ménage, vont me soufflant aux oreilles que c'est dédain pour avoir (= parce que j'ai) à cœur quelque plus haute science, ils me font mourir. Cela c'est sottise et plutôt bêtise que gloire. Je m'aimerais mieux bon écuyer que bon logicien. » Essais III, 9 (De la vanité)

Les occupations du ménage dont il s'agit ne consistent pas à passer l'aspirateur, cirer le parquet, décrasser la baignoire, détartrer la cuvette des toilettes et faire la vaisselle. Pour cela Montaigne disposait d'employés de maison et techniciens de surface en suffisance. Il s'agit de la gestion du domaine, du management de l'entreprise « Eyquem et fils ». Il rend à plusieurs reprises hommage aux qualités d'entrepreneurs de son grand père Ramon et surtout de son père Pierre, qui non seulement fera prospérer le domaine agricole, mais aussi travaillera fort habilement à dorer le blason de la famille pour pousser fiston dans les hautes sphères. Ce qui autorisera Michel, le premier de la famille, à être de Montaigne tout court, et non plus Eyquem de Montaigne. Avec un rien de vanité aussi naïve que vergogneuse.

 

Son regret de l'inaptitude à la gestion n'est pas feint. Incompétence et non mauvaise volonté, dit-il. Si le reproche à ce propos éveille un certain malaise en lui (ambiguïté de la formule qui se veut plaisante ils me font mourir), c'est mortification de n'être pas à la hauteur de ses prédécesseurs. Et aussi une certaine culpabilisation de ne pouvoir payer sa dette à leur égard avec une monnaie de même aloi. D'où la minimisation de son talent propre.

« Ceux que je vois faire des bons livres sous de méchantes chausses, eussent premièrement fait leurs chausses, s'ils m'eussent cru. Demandez à un Spartiate s'il aime mieux être bon rhétoricien que bon soldat ; non pas moi que bon cuisinier, si je n'avais qui m'en servît. »

 

1 Montaigne a fait un livre de génie, et en plus sous des chausses plutôt chic : le veinard.

2 J'aurais dû mieux m'appliquer quand ma mère cherchait à m'apprendre la couture, je pourrais être appréciée pour mon plumage, à défaut de ma plume et de son ramage.

2 Le ménage c'est aussi les comptes, le budget, le calendrier des prélèvements d'impôt, tout ça. Montaigne explique qu'il laissait la bride sur le cou à ceux à qui il en déléguait la gestion, sans s'illusionner sur le fait qu'ils se servaient un peu au passage, nonobstant un salaire confortable. « Si les autres me pipent, au moins ne me pipe-je pas moi même à m'estimer capable de m'en garder, ni à me ronger la cervelle pour m'en rendre. » (II,8 De l'affection des pères aux enfants)

3 Au fond ne souffrait-il pas d'une sorte de phobie administrative, comme d'autres ? Sauf que lui c'était à son détriment et non à celui des deniers publics. On comprend pourquoi il n'a pas vraiment réussi en politique.

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