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  • Ou pas

    La réflexion philosophique nous confronte à de fréquents dilemmes, à de récurrentes alternatives, à un flux quasi tsunamique de flottements d'âme, à l'incessante menace de bugs potentiels dans notre circuit de distribution électrique neuronale. Et je laisse de côté les douleurs dorsales pour cause de mauvaise position le cul entre deux selles quand on a un tant soit peu la fibre sceptique. Dit Montaigne qui philosophait plus souvent sur un cheval que sur une chaise devant son ordi.

    La plupart de ces dilemmes soyons lucides sont sans conséquence aucune dans la vraie vie, si bien qu'on peut sans dommage les laisser sans réponse. (Par exemple que le rapport de l'en-soi et du pour-soi ne soit pas coton, perso ça ne me fait ni chaud ni froid je l'avoue). Mais il est quelques-uns de ces questionnements qui réclament une réponse aussi immédiate que sans ambiguïté. Car déterminante est leur incidence sur notre condition humaine (humanité conditionnelle serait plus juste). C'est à dire en pratique donnent le champ libre aux patates qui germent en quantité dans notre vie quotidienne.

    C'est pourquoi ce blog, qui souscrit sans hésitation au projet nietzschéen de réévaluer toutes les valeurs, vous propose de regarder quelques-uns de ces dilemmes en face, comme ainsi faisait Zarathoustra soi-même avec le soleil.

    Dilemme n°1 : Entre les cons et les méchants, lesquels sont les plus dangereux ?

     

    « Vous traiterez ce sujet sur papier libre, mais ce sera bien la seule liberté que vous serez autorisés à prendre car la construction de votre devoir devra correspondre aux normes de la dialectique homologuée (se référer au formulaire WFH 123) ». Meuh non je rigole, juste réfléchissez-y de votre côté avant ma prochaine note. Ben oui j'y peux rien dans les blogs ça s'appelle note, ça me plaît pas des masses, mais comment dire ? Intervention comme pour un débat ? Entrée comme pour un journal intime ? Émission comme pour un média audiovisuel ?

    (Vous avez remarqué, maintenant que j'ai entrepris de parler de dilemmes, Dieu me corneillise j'en vois partout. Déboussolant, non?)

     

    Remarque préalable à l'étude du dilemme n°1.

    C'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace et pas besoin d'être Nietzsche ni Montaigne : pour chacun de nous, les cons comme les méchants ce sont forcément les autres. Et ainsi nul ne se pose jamais vraiment les seules questions qui comptent : et si j'étais con ? Suis-je affreux sale et méchant ?

    Un non-questionnement qui déjà en soi est peut être une réponse.

  • A peu près

    Supposons un infime instant qu'il y ait juste un chouïa de micro-possibilité de iota de parcelle d'autre chose qu'une gentille divagation dans les propos freudiens du chapitre 12 de Psychopathologie de la vie quotidienne.

    Entre nous et au passage j'adore ce titre. Comme sous les pavés la plage, il fait voir le quotidien d'un tout autre œil. En fait c'est un titre qui pourrait aussi bien servir à un thriller qu'à un recueil de poèmes. Un peu comme le titre Inquiétante étrangeté. Pour celui-là c'est au génie poétique des traducteurs qu'il faut rendre hommage, puisque le titre original se contente de dire sobrement das Unheimliche.

    Cela me fait penser à ce que j'ai entendu dire à Colette Roumanoff présentant son livre sur la vie avec son mari malade d'Alzheimer. C'est une vie souvent amusante, où il se passe toujours quelque chose. Sacrément positive, la dame. On comprend la pêche de sa fille Anne. Décidément les chiens ne font pas des chats.

    Mais faut croire que la positivité c'est contagieux, car je me suis dit que finalement on pouvait aussi positiver tout pareil sur la névrose qui sans me vanter fait pourtant la vie quotidienne salement inquiétante et grave psychopatatesque. Imaginons quelqu'un qui soit obsessionnel phobique avec une lichette de paranoïa (oui bon j'ai bien le droit de dire imaginons pour détourner les soupçons, non?) eh bien en fait c'est pas faux, pour lui il se passe toujours quelque chose. Bon OK c'est pas toujours ce qu'il voudrait, mais faut pas être trop exigeant non plus.

     Bref tout ceci pour dire que si je suis Freud (du verbe suivre, je suis pas complètement mégalo quand même), il se peut que 89710524613, c'est à dire le chiffre qui s'est écrit au fil de mes dernières notes selon le déroulement improvisé d'associations non calculées, ne me soit pas venu tout à fait par hasard. Après tout mon inconscient est pas plus con qu'un autre, et capable, comme celui de Freud ou n'importe qui Onfray inclus, de processus intellectuels très compliqués.

    89710524613 me délivre donc un message en provenance directe quoique labyrinthique de mon inconscient. Oui mais lequel ? Il va falloir interpréter. Comment interprète-t-on en Freudiland ? Contrairement à ce qu'on croit souvent, il n'existe pas de clés, de passes plus exactement, qui ouvriraient toutes les portes. Pas de symboles fourre-tout ou de chemin balisé, pas de découpage suivant les pointillés.

    L'interprétation est quelque chose qu'on se donne. Une manière d'utiliser les matériaux glanés pour se construire un lieu d'être dans un ici et maintenant. Celui exactement dont on a besoin à ce moment pour continuer le chemin, pour durer, ne pas renoncer. L'interprétation interprète le désir comme le comédien un rôle : pour l'incarner, le « performer ».

    Bref sur 89710524613 comme sur n'importe quoi d'autre, je ne peux avoir aucune certitude absolue. Il se peut juste que je puisse lui faire dire quelque chose qui me convienne, ou à peu près.

    Mais ça je le dirai à personne, c'est juste entre moi et moi.

  • Une preuve flagrante

    « J'écris à un ami que j'ai terminé la correction des épreuves de mon livre Die Traumdeutung et que je suis décidé à ne plus rien changer à cet ouvrage 'dût-il contenir 2467 fautes'. Je cherche aussitôt à éclaircir la provenance de ce chiffre et ajoute mon analyse à la lettre destinée à mon ami. Je la cite telle que je l'ai notée alors, sous le coup du flagrant délit. »

    S. Freud Psychopathologie de la vie quotidienne

     1) « Sous le coup du flagrant délit. » Joli, non ? C'est que sur la question de la culpabilité obsessionnelle, Freud en connaît un rayon. Tout ce qu'on pourrait lui dire il se le sert lui-même avec assez de verve. Quel est l'objet du flagrant délit ici ? Des pensées présumées inconscientes pas très flatteuses pour l'ego. Mais qui globalement se ramènent à une évidence très consciente pour Freud : la publication de son livre sur le rêve est un immense enjeu, le plus grand enjeu professionnel de sa vie. Il n'avait pas besoin de 2467 quoi que ce soit pour le savoir. Et il le sait. Et il sait qu'il le sait.

    2) Du coup à mon avis le flagrant délit en question porte plutôt sur la vergogne de s'adonner à l'enfantillage de jouer avec les chiffres. Si vous allez jeter un coup d'oeil dans ce chapitre du livre (chap 12 intitulé Déterminisme, croyance au hasard et superstition. Points de vue) vous ne serez pas déçus du voyage. Le "flagrant délit" a plus souvent qu'à son tour des allures de discret délire. Freud fait parler les chiffres en des calculs sophistiqués pour lesquels s'impose surtout la question : combien de temps a-t-il mis à les trouver ?

     

     « Je veux insister sur les analyses de 'cas de nombres' car je ne connais pas d'autres observations qui fassent apparaître avec autant d'évidence l'existence de processus intellectuels très compliqués, complètement extérieurs à la conscience ; et, d'autre part, ces cas fournissent les meilleurs exemples d'analyses dans lesquelles la collaboration si souvent incriminée du médecin (suggestion) peut être exclue avec une certitude à peu près absolue. »

    Voilà le fin mot de cette histoire de nombres : Freud veut en produire une preuve, non par 9 mais par 2467. Et même une double preuve.

    1) Preuve de l'intérêt de sa théorie : l'inconscient tel qu'il l'entend n'est pas une sous-conscience, mais au contraire capable de processus intellectuels très compliqués.

    2) Preuve de son honnêteté qui le disculpe de l'accusation de suggestionner ses patients (dans le but de faire cadrer l'observation avec la théorie). Une accusation qui n'a pas attendu Le livre noir de la psychanalyse ni à sa suite Michel Onfray.

    Preuve convaincante ? En tout cas lecture divertissante et jeu partagé. Ce qui me fait vous préférer, Sigmund, à pas mal de ces gens-là, dont le rapport au jeu (ou au partage) n'est pas … comment dire …

    - Pas flagrant ?