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  • Trois et moi

    « Qu'est-ce qu'y a 3 ? Troyes en Champagne,

    Deux testaments, l'ancien et le nouveau oh oh oh oh,

    Y a qu'un ch'veu sur la tête à Matthieu. »

    Impossible de me rappeler quand et où j'ai entendu pour la première fois cette chanson stupide dans mon enfance, ni jusqu'à combien elle comptait (qu'est-ce qu'y a un, qu'est-ce qu'y a deux etc.). Jusqu'à dix je suppose. N'empêche qu'elle ne me revient que maintenant à propos du 3. (Et que personne ne s'avise de dire « Ach ach »).

     

    Des choses qui sont trois il y en a beaucoup. Troie en Asie Mineure, qui nous amène logiquement à la guerre éponyme. Au concours de beauté des trois déesses et aux conséquences désastreuses du choix du jury, en l'occurrence ce godelureau de Pâris. Mais il est trop tard pour se lamenter over spread milk comme on dit en grec moderne. Vaudrait mieux s'occuper de toutes ces casseroles qui bouillent à gros bouillon (pas loin de l'ex-Troie entre autres) avant que ça déborde si possible.

    Qu'est-ce qu'il y a trois ? Les trois Grâces, et en miroir pour ainsi dire, les trois Parques. La règle de trois en math. La règle des trois unités du théâtre français avec ses trois étoiles incontestées Molière, Racine, Corneille.

     

    À propos vous connaissez je suppose Sur une racine, une corneille boit l'eau de la fontaine Molière. Aussi nul que le cheveu de la tête à Matthieu, mais Dieu m'infantilise ça m'enchantait tout autant. Question : pourquoi ils ont rien trouvé pour Molière ? D'une certaine façon JB pouvait pas rêver plus bel hommage. Mais quand même on peut tenter je sais pas moi Le mol lierre s'enroule sur la racine où une corneille boit l'eau de la fontaine. Ou bien s'enroule sur la corneille la racine du mol lierre qui boit l'eau de la fontaine (un peu plus surréaliste je vous l'accorde, et puis on voudrait pas être à la place de la corneille).

    Ou encore le mol lierre de la racine boit l'eau de la fontaine et la corneille elle s'envole en cinq secs elle a pas que ça à faire figurez-vous faut trouver à becqueter car la bise est venue l'air de rien pendant que la cigale chantait, et que la fourmi faisait des 8.

     

    A propos 3 + 3 = aussi bien 8 que 6. Suffit de les mettre en miroir comme les Grâces et les Parques. Vous me direz à ce compte 9 et 6 aussi, en les empilant on fait 8. C'est ma foi vrai. Et puis maintenant que vous le dites en superposant deux 2 mis en miroir, hein ? Décidément plein de ressources ce petit huit.

    Bref nous conclurons qu'une chose est sûre le must des trios reste les trois mousquetaires. Déjà ils sont quatre ce qui leur donne un avantage certain sur n'importe quel autre trio. Et puis Tous pour un un pour tous : sport-co, non ? Y a pas photo côté convivialité avec œil pour œil dent pour dent, par exemple.

    (Tiens donc, y avait aussi dans la chanson simplette « Y a qu'une dent dans la mâchoire à Jean »).

  • Il était une fois

    Dans ce parcours, qui n'ira pas au-delà de la première dizaine, matrice de l'ensemble, reste à régler leur compte au 3 et au 1, auxquels je n'ai fait jusqu'à présent qu'une brève allusion. Régler leur compte, un peu violent non ? C'est vrai. Autant j'aime ma petite fourmi de 8, autant ces deux-là ne m'inspirent guère. Et même, en ce qui concerne le 1, il m'inspire une aversion certaine, à deux doigts de la phobie.

     

    M'énerve, cette grande gigue de 1, ce frimeur qui se la joue ouineur, le genre à se planter sur le devant de la scène pour focaliser la lumière des projos. Trucmuche fait la une des media, l'équipe occupe la première place du championnat. Il profite en outre du prestige du chapitre I d'un roman, avec ses premiers mots inoubliables. Sans compter il était une fois la formule magique de tout conte qui se respecte. En chiffres romains certes le un fait simple, juste droit comme un i. Un i qu'il est en fait.

     

    Tiens, entre nous, il faut avouer que s'il y a une voyelle niaise c'est bien le i, non ? Risible comme Monsieur Jourdain lorsqu'il s'applique à la prononcer. D'ailleurs à ce propos : rire en oh oh ça fait bon vivant, en ah ah ça fait bon enfant, mais en ih ih ça fait niais j'y peux rien. En uh uh ça fait carrément pas vrai ou hyper snob genre le rire de la Castafiore. Sauf quand elle chante l'air des bijoux naturellement où elle est bien obligée de faire Ah vu que c'est écrit comme ça.

    - Ach sehr bizarres associations, Madame votre Mutter chantait dans sa baignoire ?

    - Décidément vous vous reposez jamais, vous. C'est agaçant cette façon que vous avez de toujours regarder par-dessus mon épaule quand j'écris. Elle vous l'a jamais dit Madame votre Mutter à vous, que c'était pas poli ?

    - Ach Agressivät. Negativ transfert, gut gut …

     

    En fait voilà oui de l'agressivität : je trouve que l'humanité a un sacré compte à régler avec le chiffre un, because cette histoire de monothéisme. Le monothéisme est par essence soumis à la tentation du totalitarisme qu'est-ce que vous voulez que je vous dise. Ou plutôt c'est l'inverse, pour avoir l'idée d'un monothéisme, fallait avoir le goût du pouvoir totalitaire au départ. Tiens ça me fait penser à une phrase de Spinoza, je vous en parlerai peut être un de ces jours.

     

    Mais payons-nous toujours une petite tranche de rire. Curieusement les monothéismes ils sont pas un, mais trois. Étonnant non ? Trois religions qui disent y a qu'un Dieu mais c'est quand même chacun le sien. Comment voulez-vous qu'il s'y reconnaisse là-dedans, ce pauvre homme ? Bref. Mieux vaut en rire ih ih. Mieux vaudrait pouvoir en rire.

  • Six seulement

    L'écriture de six, de 6 plus exactement, me met chaque fois devant un dilemme que je n'ai toujours pas résolu. Partir du bas, ou partir du haut ? Commencer par le cercle et lancer la hampe, ou bien descendre la hampe et boucler en refermant le cercle ? Étrangement aucun problème graphique de ce type pour aucun autre chiffre. Pour chacun d'eux, le trajet d'écriture va de soi, il est de l'ordre de l'évidence et de l'automatisme. Pourquoi pas pour 6 ?

    - Ach j'allais poser la question ...

     

    Ce qui sans conteste réjouit sans arrière pensée, c'est de voir tomber le dé sur la face six, ou de poser le double six au jeu des dominos. Au fait c'est pas le sujet, mais domino c'est un mot étonnant, non ? Étymologiquement il veut dire maître. Le rapport avec le petit masque noir ou avec le jeu ? Le jeu mettons, dans un jeu on veut gagner, être le maître donc. Mais c'est vrai pour tous les jeux, tous pourraient s'appeler domino aussi bien.

    Quant au masque, l'idée c'est quoi : le maître se mêlant incognito à la foule pour s'enquérir de sa cote de popularité ? Et pourquoi le domino-masque est-il aussi appelé loup ?

     

    Six me fait penser aux années soixante de mon enfance.

    - Ach d'où votre Ambivalenz pour écrire ce chiffre. Le temps qui a passé inéluctablement et qu'on voudrait bien remonter ...

    - Ch'ais pas, paske mon Ambivalenz pour écrire ce chiffre c'était déjà quand j'étais petite. Tiens au fait en 1966 figurez-vous j'étais en classe de sixième : le monde est petit, hein ? Euh le compte est rond, enfin …

    - Ja ja continuez ...

    Peut être bien que cette année de sixième a été ma préférée, parmi toutes les années d'école et ce qui s'ensuivit, depuis la maternelle. Des nouvelles matières, anglais, latin, et puis plusieurs profs au lieu d'une seule maîtresse : on passait à la vitesse supérieure, on allait commencer à jouer dans la cour des grands.

    Sans me vanter la cour du pensionnat était charmante, plantée de platanes avec un préau surmonté de la galerie qui menait aux étages. Il y avait aussi un autre jardin où donnaient la chapelle et la salle d'études.

     

    C'est un jour de juin 1967 dans ce jardin. La Mère Supérieure nous dit : à la messe nous allons prier pour la paix en « Terre Sainte », pour que les gens ne meurent pas, pour qu'ils arrivent à s'entendre. J'étais une enfant docile et pleine de bonne volonté (comme on change, hein ?), j'ai prié. Et vous savez quoi la guerre n'a duré que six jours. Cette fois-ci. Après j'ai compris que ni Dieu ni moi n'avaient vraiment de mot dire dans cette triste histoire. Lui pour cause d'inexistence, moi pour cause d'impuissance.

     

    Reste qu'au pensionnat la prof de français avait fait ce qu'elle pouvait. Ce jour-là nous avions lu Prévert : Barbara quelle connerie la guerre.