Alors Sylvestre s'entendit murmurer :
« Bonjour, Constance (non, cela n’est pas inventé, elle s'appelait vraiment ainsi, que voulez-vous, le destin), je suis venu vous souhaiter un prompt rétablissement ... Et aussi vous annoncer que je dois partir dès demain aux USA pour des affaires de famille ».
Il y a des moments où la famille a bon dos.
« Je n'avais pas encore trouvé l'occasion de vous le dire, mais j'ai à Miami un oncle atteint d'une tumeur en phase terminale, et comme je suis son seul neveu, enfin à vrai dire par alliance, mais ... »
Mais Constance (maintenant qu'on le sait) ne le laissa pas s'enferrer davantage.
Preuve s'il en fallait qu'un amour vrai pardonne tout, qu'un cœur noble excuse toutes les bassesses, et qu'un pourcentage suffisant de peau brûlée au troisième degré vous cuirasse contre tous les manques du plus élémentaire savoir-vivre.
Elle ferma les yeux et lui dit doucement :
« Adieu, Sylvestre, je ne regrette rien ». C'était vraiment une femme admirable, preuve s'il en fallait du haut niveau de rectitude morale requis pour enseigner la SVT.
Bon maintenant, parlons peu, parlons bien.
Si on était dans une bonne vieille série américaine des années quatre-vingts, on pourrait faire se jeter Sylvestre à genoux, bouleversé par cette phrase.
Il se souviendrait fort à propos d'une femme qui aurait été amoureuse de son père là-bas, au cours de vacances sur la côte Ouest, et dont le sixième mari était justement un extraordinaire chirurgien plasticien, capable de ...
Mais nous préférons la vérité, n'est-ce pas ? La vérité, la voici, toute nue : il se pencha sans un mot pour effleurer la joue de Constance d'un baiser bonne conscience.
Et, lorsqu'il sortit, il prit bien soin de refermer la porte tout doucement, comme il se doit à l'hôpital, mettant du même coup un point final à leur histoire.
Et à ce récit par la même occasion.