« Vous jouez du piano ?
- Ah, je vous ai dérangée, hier soir ? Désolé, je m'y suis mis tard, et après j’ai eu du mal sur ce morceau. Ça a l'air simple comme ça, Mozart, mais …
- C’était très beau. C'était bon à entendre.
Elle hésite. Puis :
- Entrez, je vous en prie. Si vous avez cinq minutes pour une tasse de thé ?
- J’ai tout mon temps. Avec ce temps gris, un bon thé bien chaud … »
Il s’est assis sans façon. Elle va à la cuisine refaire du thé. Tandis que l’eau emplit la bouilloire, il se fait un grand vide en elle.
Elle n’arrive ni à penser, ni à ressentir quoi que ce soit. Quand l’eau se met à déborder, elle ferme le robinet d’un geste machinal.
Un geste vide lui aussi.
« Il est froid ce thé, il vaudrait mieux le jeter. » Le jeune homme est là. À la main la tasse de porcelaine aux dessins roses emplie du liquide trouble.
« Vous l’avez … goûté ?
- Ne buvez pas ça, rien de plus déprimant que du thé refroidi. Je le jette ? »
Il a joint le geste à la parole.
Elle regarde le liquide disparaître dans le trou de l’évier, lève les yeux vers son visage.
Lui, il s'est tourné vers la fenêtre, la nuit, la pluie qui tombe.
Sur le grand coussin de velours, le chat a retrouvé sa place, et s'est lové dans son bien être.
Le sifflement de la bouilloire. Deux pincées de thé, la brûlure de la théière sous ses paumes.
« Une tartine de miel, avec 'votre' pain ? »
Il mâche avec entrain. La bouche encore pleine, il avale une gorgée bouillante.
Il a un léger tremblement des lèvres, puis un large sourire.
« L'heure du thé … Sympa. Je suis tombé au bon moment. »