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La journée des talents (1/8)

 

La répétition, à la salle polyvalente du village, battait son plein. Pour la « Journée des Talents » du collège, Hélène avait convaincu deux de ses classes de monter sur scène : les 6°A dans son adaptation de La Cigale et la Fourmi, et les 4°C pour des extraits de L’Avare.

« Par groupes de trois j’ai dit, les Cigales, c’est n’importe quoi là ! Beaucoup trop brouillon ! Célia !! Encore un fou-rire et tu vas dans le public, c’est clair ? Et vous les Fourmis, au-to-ma-ti-que, le geste pour entasser les cartons. Voilààà. Toi Sylvain, continue de rêver et c’est Julien qui fera La Fontaine. Eh oui ! Sinon ils attendent ton signal. Bon, on la refait une dernière fois. Tout le monde en place ! »

Cette mise en scène de l’immortelle fable ne risquerait pas de révolutionner le théâtre contemporain, mais si communicative était la fraîcheur du petit groupe qu'Hélène en était sûre : le public serait bon public. Il ne restait plus qu’à sécuriser les 4° morts de trac.

Oh et puis ça irait de toutes façons. « Même si on se rate, Madame, on se sera quand même bien amusé. Et en plus on se ratera pas ! » disait Coralyne.

 

Ce sont dans l’ensemble de gentils élèves trompant l'ennui des interminables heures de cours aussi discrètement que possible. La meilleure solution : portable sur les genoux, le SMS au copain qui se fait trop chier deux classes plus loin.

Pauvre Kévin : Math avec Touron ! A choisir vaut encore mieux le point de vue narratif dans le Horlà. OK on comprend pas tout, clair, mais c’est normal avec un vieux écrivain du Moyen-Age. Tandis que Pythagore, même avec Toucarré qu'est plutôt cool, va le choper. Et si t’as pas chopé, en 3° t’es mort.

Et puis il y a toujours le classique billet plié à la va-vite qui transite de bureau en bureau dès que la prof se retourne pour écrire au tableau.

Le choix énonciatif du narrateur, le billet passe de Laura à Léa, puis à Névil, à la troisième personne, le point de vue peut être interne, de Névil à Mikaël (regarde pas Mikaël c’est entre filles), ou externe, de Mikaël à Sarah. « Sarah, tu notes ?

- Oui, Madame.

- C’est quoi alors, ce papier ?

- C’est rien. »

« Allez ! Lisez-le nous, Madame ! » (vae victis est la loi dans ces cas-là).

Hélène ouvre rarement le billet. Parfois, dans un accès d’auto-dépréciation dont elle est coutumière, elle se dit qu’une prof qui s’intéresserait vraiment à ses élèves ouvrirait toujours le billet, pour déchiffrer l’angoisse existentielle dans :

« Tu fé koi a 5h ? sure ke c se soir avec Alex !!! »

« Moi jé kc avec Ben en + je v fair les course avec ma reum. »

 

Pendant qu’Anne supervisait l'ultime filage de la chorale, Hélène s'accorda une cigarette, sur le terre-plein devant la salle polyvalente. Dès qu’elle avait ouvert la porte, le soleil intense avait mordu ses bras.

Elle aimait cela, toujours l’arrivée de l’été la rassurait. Une sensation d’élargissement (tiens c’était ce mot aussi pour sortir de prison).

Elle se confiait à la lumière implacable. Quand elle aurait sa mut pour le lycée (qui sait l’année prochaine), elle monterait Phèdre en plein air, au tranchant du soleil de midi. Elle voyait déjà les costumes : Phèdre en robe blanche, comme une mariée, mais avec un ruban noir.

Ou bien, non, des gants noirs ...

Justin de Cournonterral était venu la rejoindre devant la porte.

« Ce soleil … un jour pour cérémonie aztèque, non ? »

 

À suivre.

 

 

 

 

 

 

 

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