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Le cri des paons (3/8)

 

« C'est maintenant que vous me prévenez, Nathalie ?

- Un petit retard, avec la circulation à la sortie de la ville …

- Ce n'est pas un petit retard ! Je la paie pour trois heures, moi ! Si elle s'amuse à rabioter comme ça chaque fois …

- C'est la première fois qu'elle est en retard, Madame …

- Justement ! Ferait beau voir qu'elle en prenne l'habitude. Gérard ? Gérard, allez donc voir sur le parking s'il y a la voiture de Melle Francord, le petit truc jaune, vous savez ... »

La voiture était sur le parking depuis un bon moment déjà, d'après le jardinier qui arrosait la pelouse. Aux dires de Juliette la concierge, Chantal Francord avait franchi la grille vers neuf heures moins le quart.

«  Mais où elle a pu passer alors ? Gérard faites un peu le tour, c'est pourtant pas jour d'animations personnalisées. Allez quand même voir au Printemps. »

Chantal n'était ni au Printemps ni dans une autre saison. Tout le personnel fut réquisitionné pour la chercher. La directrice s'y mit aussi, en maugréant. Décidément si elle ne faisait pas tout, avec cette bande de bras cassés. Quant à la petite garce, elle perdait rien pour attendre.

 

Ce fut un cri du côté du bassin qui les alerta. Un cri rauque et ininterrompu : qui avait laissé M. Bouilloux tout seul ? (Heureusement il était sanglé dans son fauteuil). En hochant la tête, il laissait sortir sa plainte machinale, le regard accroché à la forme blanche affaissée au bord du bassin. Il ne hurlait pas d'effroi devant le cadavre. C'était plutôt comme si le corps de la jeune fille était venu matérialiser la terrifiante mélodie qui hantait le chaos de sa mémoire engloutie.

                                                                                                                                                                 ***

2 novembre. Vu Mémé aux 4 S. M'a appelé Jeune Homme tout le temps. Elle a pleuré quand on s'est dit au revoir. Maman a pleuré aussi dans la voiture tout le long. Impossible de parler d'autre chose, de moi par exemple. Elle m'avait promis qu'on ferait une méga teuf demain pour mon anniv. Mais si elle est toujours dans ce trip ma-pauvre-maman-à-moi … Qu'est-ce que j'y peux, moi ?

                                                                                                                                                                ***

« Asphyxie. Noyade dans le bassin. On lui a probablement maintenu la tête sous l'eau le temps nécessaire. Elle a dû être surprise. Aucune trace de lutte. Voyez les galets sont pas déplacés, ni les roses trémières brisées. On l'a guettée, et hop ! »

Le policier occupé aux relevés, il avait l'air plutôt cool : on aurait dit qu'il se foutait de tout. Quant à l'enquêteur : le portrait du croque-mort tel qu'on se l'imagine.

Agathe en était là de ses pensées quand ledit croque-mort se retourna brusquement vers elle :

« C'est vous qui avez découvert le corps ?

- Non, c'est Léon, notre jardinier.

- Oui c'est moi. Je venais de finir l'arrosage des pensées de l'Automne, juste derrière …

- L'arrosage de quoi ?

- La bordure de pensées, voyez là derrière. Ah c'est des fleurs que si on veut qu'elles restent belles faut être aux petits soins, vous savez …

- Léon, Monsieur se fiche de vos pensées, ce qu'il veut ce sont des précisions sur le corps, des détails que vous auriez remarqué, enfin tout ça ... »

Le flic toisa la directrice. Il voyait bien le tableau ici, et sa mesquine autorité sur ses employés.

Le bassin n'était visible d'aucun des bâtiments. Personne n'avait donc pu voir la scène. « Y avait juste M. Bouilloux ici et il n'aurait pas dû être là ! La petite a dû avoir la lubie de l'amener ici, va savoir pourquoi. Il devait aller au club avec les autres.

- Interrogeons donc ce M. Bouilloux. Faites le venir. »

Agathe, Nathalie et la directrice échangèrent un regard. Celle-ci se chargea d'expliquer au policier que la maladie était à un stade avancé. Il ne parlait plus, sa vue avait beaucoup baissé. Et puis cloué au fauteuil, il n'avait pu en aucun cas interférer sur … l'action.

« C'est un témoin inutilisable, raison pour laquelle sans doute le meurtrier ne s'est pas donné la peine de l'éliminer. Heureusement, d'ailleurs : sa famille l'aurait mal pris. Vous savez, il sont apparentés au député Bouilloux-Cardan, qui est parmi nos plus généreux membres bienfaiteurs ».

À suivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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