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  • La nef des fous

    « Le bateau roule et tangue, terriblement, mais ça va passer, j'ai l'habitude. Bateau est un bien grand mot. Disons la barcasse. Qu'elle passe ou qu'elle casse, remarquez … Pour être honnête je vais vous dire, je m'en moque bien.

    Du moment que j'y suis pas avec eux, et que j'ai empoché mon blé, moi vous savez ... Y a pas écrit ONU, après tout. Pour ce qu'elle se remue, l'ONU. D'une certaine manière les gens comme moi, à voir les choses comme elles sont, je dirais qu'on la remplace.

    Ça vous choque ? Et vous, vous avez un truc à proposer ? Vous insistez auprès de vos gouvernements pour mettre en place des passages plus sûrs ? …

    Alors voilà, c'est comme ça, chacun son job. Ces gens veulent partir : grâce à moi, ils partent.

    Je leur ai même donné (vendu, oui, d'accord ... Vous donnez, vous ?) des adresses, des points de chute à l'arrivée. S'ils arrivent. Les autres de mon réseau les attendent là-bas, de l'autre côté. Ils les embaucheront.

    Il ne convient pas d'être trop exigeant sur les conditions, le salaire. Mais ça tombe bien, ce ne sont pas des gens exigeants. Déjà bien beau qu'ils sauvent leur peau. S'ils la sauvent.

    Sur le bateau ils sont une petite centaine. Des hommes surtout. Mais quelques uns se sont embarqués avec compagnes et progénitures. Ils sont serrés les uns contre les autres.

    Un seul corps un peu mou, bras, têtes, émergeant de torses empaquetés de vêtements trop légers. Chacun de ces groupes est comme un pantin bizarre, mal dégrossi, qui ballotte au rythme des vagues.

    De temps en temps un à-coup de la houle balance le pantin contre un autre, une grappe humaine contre une autre. On dirait que la mer (ou un géant malicieux et sadique ?) joue avec des poupées, s'amusant à provoquer des carambolages. C'est comique.

    Ça peut tourner tourner mal aussi. Il arrive que tout ça dégénère en bagarre. C'est pas parce qu'ils risquent leur peau ensemble qu'ils sont nécessairement solidaires, vous savez.

    En réalité ils sont avant tout en concurrence. Comme tout le monde. Et il n'y a pas de raison qu'ils se comportent autrement que tout le monde. Que vous que moi. C'est le système qui veut ça. Et si j'y trouve mon compte, tant mieux pour moi. Ils ont ce qu'ils veulent, et moi aussi.

    Tout ça vous scandalise ? Mais vous, vous voulez quoi, vous êtes prêts à quoi pour eux, c'est quoi vos idées, vos actes, pour que ça marche bien, pour que tout le monde s'y retrouve ?

    Remarquez moi ce que j'en dis, tant que vous regardez ailleurs, inutile de vous dire que ça m'arrange. Autruches et vautours, on se complète pas si mal, non ? »

     

    nous disait le passeur.

     

  • Pas eux

    Nicolas ? Un vrai cador. Il savait tout. Bon, là il y allait pour un concours qui portait sur son point fort, faut voir. Concours pour aspirants politicards ou marchands garantis haut vol.

    Du coup aucun souci. Tout lui collait, il affrontait tout sans complication, tout lui paraissait opportun.

    Il avançait sans travail (aurait-on dit) sans circonlocutions surtout.

    La composition du matin fut l'occasion d'un magistral rapport. Il consolida sa vision. Par discrimination, cas par cas. Topos adjoints, jargon ad hoc. Subsumant tout ça au poil pour finir. Un boss, clair. La composition, gros bout, gras du concours : voilà, un truc acquis pour lui. Fait, parfait.

    Quant à l'oral, il assurait aussi. Tout s'archivait, s'inscrivait sans à-coups dans son cabochon. Façon ordi. S'insinuait par imbibition on aurait dit. Puis il avait plus qu'à sortir tout ça au (ou à la) prof : un audit sans bug, à tous coups.

    Alors pourquoi ça coinça ? À mon avis la prof magouilla. Pour qui ? Va savoir. Ça jalousait autour, sûr. Lobbying anti-lui, quoi.

    Clair la prof aussi avait son plan ambition, pourquoi non ? Tout itou qu'un macho.

    Un truc sûr : la nana a fait son max pour son ostracisation du concours, à Nicolas, sa capitulation, son abdication, sa fin quoi.

    Mais narrons. Donc, il avançait au poil dans son topo, pas un mot manquant, tout ça dans l'organisation optimum. Un vrai cador. Qu'il croyait.

    Car tout à coup, un blanc. Ça sortait plus, ça sortait pas : la disparition.

    Là, il fait quoi ? Installation dans un trip craignos. Du coup, un truc qu'il fallait surtout pas, d'instinct il bafouilla : « euh … »

    Voilà, il jouait, puis au final : mat, sans avoir dit ouf.

    Alors la nana a fait quoi ? Pas ouragan, pas Attila pourvu d'un jupon (disons ça pour stimuli imaginatifs). Non, ça la jouait soft, susurrant : « Candidat, voyons, ton ambition ? Plus la foi ? Tu sais plus quoi ni qui ? Tu dis pourquoi moi ? Pourquoi pas moi ? Mauvais battu, va  ! Ou plutôt mauvais gagnant 

    Là, top auto-satisfaction, la souris. Pour son bon mot, souris mutin. Bon d'accord : humour-croco, humour-loup. Mais ça plaît aux boss, aux aspirants boss, aux alligators du marigot.

    Sauf à Nicolas. Lui ça lui a pas plu, tout alligator qu'il soit. Aucun fair-play : tout lui, quoi.

    Pour conclusion quant à nous sachons : si tu choisis l'ambition, sois cador dans un truc, la loi du plus sournois.

    La loi du zoo.

     

     

     

     

     

     

  • Faux départ

     

    Entraînés, on est entraînés, oui ou non ?  Motivés, on est motivés, oui ou non ?

    C'est la course-test pour notre équipe. Cette course-là, faut pas la rater, et on va pas la rater, je vous promets.

    Et puis je vous sens gonflés à bloc, les mecs ! Je me trompe ?

    Quoi ? Vas-y, parle plus fort, vieux … Quoi porter la poisse, mais non pourquoi tu nous porterais la poisse ? Mauvais pressentiment ? Pas ta place avec l'équipe ?? Mais ça va pas, vieux !

    Tu veux mon avis : tu nous fais juste un mauvais trip, une crise top angoisse, un spleen high level, appelle ça comme ça te chante. J'ai pas raison, les autres ?

    On est là, nous, vieux, avec toi, on est tous ensemble ! On fait équipe oui ou non ? Une course en relais c'est ça : on tient le coup, on lâche rien (et surtout pas le témoin) tous pour un un pour tous, on retient rien, on y va à bloc chacun pour son parcours.

    Et personne se pose la question « comment je ferai, si je m'épuise au relais, pour gagner ensuite mes courses en solo, mon 100 m tout ça ». On n'est pas comme ça les gars, oui ou non ? On est collectif nous.

    Allez c'est pas tout ça on s'y met, échauffement et que ça saute, hop hop.

                                                                                                                                                       ***

    Alors là je sais plus quoi penser, les gars, qu'est-ce que vous voulez que je vous ...

    J'y pige rien à rien. On était prêts à 150% oui ou non ? Si je checkliste : forme parfaite, stratégie au point, pas un raté à aucun entraînement.

    Et juste là, y en pas un qui a fait un passage correct, j'ai raison oui ou non ?

    Mimi il nous lâche le témoin un temps avant que Jojo se place, résultat le truc par terre, Jojo obligé à le ramasser, après Cricri qui s'emmêle les pattes et qui frôle Nono sur son couloir : résultat chutes en série et le témoin qui vole sur vingt mètres … mais vous avez vu ça où, les gars ?

    La honte oui ou non ? À croire qu'on a eu le mauvais œil, non sérieux j'y pige rien à rien.

    Quoi ? Vas-y parle plus fort ! Quoi justement mauvais œil, quoi si on t'avait écouté, quoi tu nous avais prévenus ... Oh écoute tu sais quoi, tu commences à nous courir !

    C'est vrai tu fais chier, à la fin, Dédé …