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Bye bye lit grec

 

Salut à toi ô père Homère, ô mon créateur au calame alerte, ô mon Papounet grec. Moi Pénélope, ta fille, j'ai deux mots à te dire.

Voilà un sacré paquet de siècles que j'en ai gros sur l'amphore. Mais longtemps j'ai été retenue par le respect dû à ta tête couronnée de neige. Retenue surtout par l'habitude de filer doux.

Car j'ai beau être une des femmes au caractère le mieux trempé de la littérature mondiale, je sais pas comment t'as fait ton compte : la postérité ne voit en moi que la nunuche de service qui passe son temps à faire tapisserie en tenant les murs.

Pendant que son mec, lui, non seulement s'offre une croisière en Méditerranée aux rives d'or ensoleillées, mais en plus file le parfait amour avec toutes les bellasses aux charmes botoxés qu'il croise. On peut virer féministe radicale pour moins que ça.

J'ai pourtant passé l'éponge, une éponge comme il se doit arrachée par les plongeurs au domaine de Poséidon, aux profondeurs de la mer lie de vin.

La Sainte Nitouche chère au marin au rouge bonnet (au point qu'il donna son nom à sa nef dont la renommée aux cent bouches n'a pas oublié les exploits scientifiques), les Sirènes au chant casse-oreilles, sans compter tout ce qu'on sait pas (je parie que tu nous as pas tout dit, solidarité masculine oblige) : moi bonne fille, et surtout ta fille, longtemps j'ai fait genre je vois rien.

Mais figure-toi que pour meubler mes longues soirées solitaires, tandis que je détricotais mon Aubusson, une esclave à la diction luchinesque me lisait le bouquin d'une consoeur à toi, la philosophe au turban chic.

Et mine de rien, en deux fois dix ans, l'idée a fait son chemin.

Si bien que ce matin, à peine l'aurore avait-elle insinué, à travers la jalousie, l'un de ses doigts de rose, je me suis tournée vers le héros aux mille ruses qui partage ma couche.

Et j'ai dit à ce frimeur :

« Ô époux valeureux, ô héros de la guerre où périrent tant de braves Achéens, tel Achille aux bouillantes colères, tel …

- Abrège, ô mon épouse fidèle.

- Je te quitte. »

OK qu'il a dit. Vexant.

Mais bon c'est pas ta faute, Papa Homère. Seulement là où tu nous a fourrés dans de sales draps, c'est avec quoi ? Pas besoin d'être Cassandre pour le deviner, hein ?

Ta fameuse idée : le lit conjugal sculpté dans le tronc d'olivier, enraciné dans la chambre, au cœur du palais. Je dis pas, sur le papier ça fonctionne, métaphore géniale tout ça.

Mais quand faut se débrouiller dans la réalité, c'est pas du tout la même chanson.

Qui dit divorce dit partage du mobilier. Et toi tu nous as inventé le mobilier immobile. Alors le macho aux mille ruses : « Par Athéna au regard pers qui me protégea pendant la guerre de Troie, ce lit grec j'ai fait, ce lit grec je garde. »

Et ne faisant ni une ni deux, il a scié l'olivier au ras des racines.

« Ça me fait penser à nos créanciers du FMI » a dit mon ami Alexis, songeur.

 

Commentaires

  • Fermé les yeux ?

  • Oups ! Et en plus j'en avais déjà corrigé un ... Merci à toi, ô lecteur vigilant !

  • Ce que j'ai ri en lisant ce portrait décoiffant de l'intraitable Pénélope avec son Ulysse de banlieue (tout à fait à la hauteur de son double revisité par Giono) ! Avec un tel caractère, il aurait fait beau voir qu'elle se laissât faire... ;-)
    Au fond, une fois les prétendants proprement trucidés, je pense que ça aurait très bien pu se passer comme ça.
    Je pensais aussi à la suite imaginée par Kazantzaki, où Ulysse, s'embêtant comme un rat mort sur son île, plante là sa légitime retrouvée pour aller courir l'aventure avec la belle Hélène qu'il ravit à son tour au vieux Ménélas.
    Belle revanche pour Pénélope !
    Chère Ariane, j'attends avec impatience la suite, qui sera encore j'imagine une nouvelle parfaitement originale - je veux dire que tu auras écrite sans aide... ;-)
    Allez, bises et à bientôt !

  • Merci, mon cher Laurent, je suis bien contente que tout cela t'amuse autant que moi.
    Giono, Kazantzaki, c'est vrai j'y avais pas pensé, mais maintenant que tu le dis, y a de la réminiscence inconsciente dans l'air ...

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