Le jour commence à cinq heures. Et non à minuit. Ou zéro heure comme on dit aussi. Comme on a tort de dire. Déjà zéro heure, comparé à minuit côté poésie y a pas photo.
Exemple le titre du film de Woody Allen : Zéro heure à Paris, rien à faire ça sonnerait pas pareil. Tu t'attendrais à un film de science-fiction, un machin catastrophe, à la rigueur à un thriller, pas à ce bijou de fantaisie philosophico nostalgique.
Et puis zéro heure c'est complètement absurde quand on y pense. Dire c'est zéro heure, c'est comme entrer dans une quatrième dimension qui n'en serait pas une, c'est annuler le temps.
Qu'il commence à minuit ou zéro heure, le plus clair c'est que le jour commence en pleine nuit par aberration administrative.
Comme ce délire de nous faire commencer l'année le 1er janvier : en plein hiver, en pleine nuit d'hiver même. N'importe quoi, non ?
L'année commence avec l'automne, évidemment. D'ailleurs ainsi fait l'année scolaire. Aucun rapport, mais pour ma part je suis née à cinq heures un matin d'automne.
Bref, où voulais-je en venir ?
Ah oui : c'est à cinq heures ou environ qu'il faut situer un événement majeur de l'histoire littéraire. J'ai embrassé l'aube d'été. Combien on parie que Rimbaud a écrit ces mots à 5 h du mat ?
De nos jours on aurait la preuve. Il se serait pris en selfie devant le wasserfall et tout ça, avec dans un coin de l'écran, longitude, latitude, âge du capitaine et degré d'ébriété du bateau, et l'heure, donc.
Question : aurait-il alors éprouvé le besoin, après le selfie, d'écrire le poème, ne l'aurait-il pas jugé un peu superflu ? Quoi de plus parlant qu'une image ?
C'est bien ce qu'il a dû finir par se dire, là-bas du côté de l'Abyssinie, quand il a troqué son crayon pour un appareil photo.
Mais à l'époque où il embrassa cette fameuse aube un certain jour d'un certain été, il avait dix-sept ans. Et n'était pas encore l'homme sérieux qui s'adonnerait à des commerces respectables, genre la contrebande des armes.
À dix-sept ans, c'était encore un p'tit con qui passait son temps à fuguer en plus ou moins bonne compagnie en gribouillant ses fadaises. Finalement quand il zonait avec l'aube d'été, y avait que demi-mal.
Au fait à propos d'images, si on faisait un film sur Rimbaud, vous verriez qui, vous ? Perso il y a quelques années j'aurais bien pris Leonardo Di Caprio, le côté œil bleu et mèche sur ledit, voir Roméo+Juliette ou Titanic.
Maintenant c'est trop tard, il a perdu, outre la mèche, son côté androgyne mi ange mi démon qui lui allait si bien. Il n'a plus l'âge du rôle. Sans compter qu'il a fait récemment l'objet de soupçons rapport à des histoires d'argent.
Quoique : pas forcément contradictoire avec Rimbaud dans sa deuxième vie, là-bas en Afrique.
Surtout qu'en plus pour incarner le marchand d'armes, après tous ses films avec Scorsese, les flingues il connaît, Leo. Reste la corpulence. Il a bien forci quand même.
Alors qu'Arthur sur les dernières photos, desséché de soleil, il a le visage aussi creusé que son regard de voyant.
Commentaires
Merci chère Ariane, merci ! cette aube d'été est pour moi aussi un éblouissement.
Sinon, le beau Leonardo, sais-tu qu'Agnieszka Holland y avait pensé ?
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=14882.html