Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Temps réel

 

14:52 est l'heure affichée en bas de l'écran de l'ordi tandis que je tape ces mots en ce moment précis.

(Oui je sais ce n'est pas celle où ces mots sont mis dans le blog, paske vous savez j'écris mes textes à l'avance. L'impro c'est pas mon truc).

Naturellement, le temps que j'aie bouclé cette phrase, il affiche déjà 14:53.

Laissons un bref instant courir notre imagination et figurons-nous Proust soi-même pianotant sur ce clavier-ci, en ce moment précis : parions que sa phrase aurait couvert un laps de temps nettement plus long, incommensurablement (au bas mot).

Dans ce même temps où je pianote à mon clavier, John Eliot Gardiner dirige Les Noces de Figaro dans mon lecteur de CD.

Les CD de cette intégrale des Noces durent respectivement 70:12, 63:08 et 45:20 minutes. Ce qui nous donne un total de 178:40 minutes, soit presque trois heures de bonheur pur.

En ce moment (15:17) John Eliot lance le final. La comtesse pardonne au comte, une colombe plane, ses ailes abandonnées à la mélodie.

Et moi je suis en apesanteur.

Maintenant il est 15:25, et c'est un tonnerre d'applaudissements, car il s'agit d'un enregistrement public.

Je me retiens d'applaudir aussi, au diapason de l'enthousiasme et l'émotion des spectateurs présents au Queen Elizabeth Hall en ce jour de juillet 1993.

Ou disons, selon le nouveau calendrier, l'an 23 a.b. (ante brexit).

Et puis à présent (15:27), le silence (les applaudissements n'ont pas cessé, mais le disque est fini).

Une fois de plus l'évidence : après Mozart, le silence se fait tangible, il palpite doucement comme le flanc d'un chat assoupi sur nos genoux. Et on y pose une main légère.

Cela ne dure pas. Le temps continue, c'est son travail de temps. De la joie venue dans ce moment du temps on ne fera pas provision. Mais elle a trouvé sa demeure.

Cette joie-ci, comme les autres joies, comme les douleurs et les horreurs aussi, comme tout. Dans le temps rien ne se perd.

Ce moment au clavier, moment pour rien sinon quelques mots, malgré son insignifiance, aura eu lieu d'être, se sera tissé dans la trame du temps.

Et rien désormais ne l'en arrachera.

En plus faut voir un truc : l'époque technicienne où nous vivons, si elle a ses défauts, nous gratifie de quelques présents hautement appréciables.

Pour pouvoir, demain ou tout à l'heure, me retrouver à l'instant du temps où il fait Mozart comme il fait beau, pas besoin de me donner une indigestion de madeleines. Il suffira de remettre le CD dans l'appareil.

Enchanteur, non ?

 

 

 

Les commentaires sont fermés.