« Tout vient à point à qui sait attendre. »
On sait que l'humanité se divise en deux catégories : ceux qui sont toujours en avance et ceux qui sont toujours en retard.
Mais peut-on affirmer avec certitude lesquels sont les plus patients ? Il faut sur ce point éviter les conclusions hâtives.
On aurait spontanément tendance à dire : les avançards sont nécessairement plus patients.
À force de passer leur temps à attendre, la fonction finit par créer l'organe en quelque sorte. Plus tu es en avance, plus tu accumules de temps d'attente, plus tu pratiques la patience. Vu que tu n'as pas le choix.
Et ainsi à force de pratiquer la patience, elle devient partie intégrante de ton être.
C'est le propos bien connu de Pascal : faites comme si vous aviez la foi, eh bien au bout d'un moment vous verrez vous serez croyants. Miraculeux, non ?
Mais on peut tout aussi bien argumenter à l'inverse.
Qui est systématiquement en avance, c'est que sa nature le porte à aller plus vite que la musique. Le genre qui anticipe le retour au moment du départ, qui envisage toujours le coup d'après. Bref il est par excellence d'une nature impatiente.
L'avançard est donc un être paradoxal, patient et impatient à la fois.
Le retardataire ce sont les autres qui l'attendent.
Par définition il n'attend jamais, n'a donc jamais à faire preuve de patience. Ni d'impatience. Quel est-il donc réellement ?
Pour en décider, tentons une expérience de pensée.
Imaginons un rendez-vous entre avançard (A) et retardataire (R) où les rôles pour une fois s'inversent.
R attend. Depuis une bonne demi-heure maintenant.
Curieux inconfort psychologique jamais éprouvé : dépendre de l'autre. Ne pas être seul maître du tempo. Être délogé de son égocentrisme.
Bref plus le temps passe plus l'agacement le gagne.
Arrive A.
R : Ah quand même ! Qu'est-ce que tu foutais ? T'as vu l'heure ?
A : Oui, enfin non justement ... Mais c'est pas si grave, on n'est pas aux pièces, si ? Faut déstresser, prendre la vie comme elle vient …
R : C'est pas marrant d'attendre.
A : Déconne ! Moi j'adore figure-toi, et je te remercie de m'en avoir si souvent donné l'opportunité.
R : Tu te fous de moi ?
A : Ben oui. Chacun son tour. Ça fait un moment que j'attendais … l'occasion.