« La nuit porte conseil. »
À condition de dormir bien sûr. Car il ne faut pas se fier aux pensées ou décisions qui par hypothèse naîtraient de l'insomnie.
La nuit porte conseil mais l'insomnie porte embrouillamini.
Et dormir n'est pas du temps perdu, même si l'on se couche de bonne heure.
C'est vérifié au plan physiologique, et esthétique aussi : qui ambitionnerait le look de loque au teint terreux, de zombie aux cernes bistres, de robot aux gestes mécaniques qui signale les amants de dame Insomnie ?
Et puis tout écolier sait que les mots de la leçon se cristalliseront au petit matin. Pour peu qu'elle ait été lue plusieurs fois quand même, ça va sans dire mais mieux en le disant, hein.
Tout lauréat putatif ou avéré de la médaille Fields s'endort du sommeil du juste, confiant qu'il verra au réveil la solution de l'équation sur laquelle il a cogité toute la journée.
La situation paraissant inextricable au coucher se dénoue comme par miracle à la lumière du petit matin. Alors la sagesse suggère de ne pas se prendre la tête
« En vain vous avancez votre lever, vous retardez votre coucher vous mangez le pain des douleurs. Oui Il donne au bien-aimé le sommeil » psaume 127 (à mémoriser pour vos insomnies).
Et puis il y a le meilleur porte-conseil, le rêve.
« Un grand hall, beaucoup d'invités, nous recevons. Parmi ces invités, Irma, que je prends tout de suite à part, pour lui reprocher, en réponse à sa lettre, de ne pas avoir accepté ma 'solution'. » (L'interprétation du rêve chap2)
Celui-ci vient interroger Freud sur la validité de ses recherches. Dans le rêve il y a eu bavure médicale sur la personne de cette pauvre Irma, pourquoi, qui est fautif ?
La réponse se présente d'une étrange façon : le dessin de la molécule de triméthylamine s'inscrit en caractères gras devant les yeux du rêveur, la lettre N (azote) avec trois branches vers le C (carbone), et de chacune 3 branches vers le H (hydrogène). N-CH3/CH3/CH3.
On comprend qu'Irma est malade parce qu'on lui a injecté une solution de triméthylamine avec une seringue sale. La solution de Freud, c'est à dire la psychanalyse ne serait donc pas bonne ?
Pourtant, dit Lacan dans sa lecture de ce rêve, remarquons que la triméthylamine apparaît en une formule, comme un rébus à déchiffrer.
Conclusion ce rêve dit avant tout : et si un rêve se faisait pour presque une seule raison, être interprété ? CQFD.
Comme en écho au rêve freudien, ou peut être à entendre comme une géniale reformulation du proverbe, ces mots d'Eluard :
Je rêve que je dors, je rêve que je rêve.