Pourquoi est un mot double face.
Il y a le pourquoi face ténèbres.
Un pourquoi désespéré, désenchanté, révolté.
Un pourquoi qui sait en réalité ne pas obtenir de réponse, qui est seulement une plainte devant l'injustice du sort, la souffrance, le non-sens.
Plainte tantôt violente et ulcérée, tantôt infiniment lasse. Le pourquoi qui crie et le pourquoi qui exhale un soupir, parfois le dernier.
Le pourquoi de ténèbres est une parole sans auditeur, lancée dans le vide.
Le pourquoi de ténèbres est une parole dont le locuteur lui-même tend peut être vers le vide.
Le pourquoi de ténèbres trouve une de ses plus radicales formulations dans le livre de Job : « Pourquoi donne-t-il la vie aux êtres amers ? »
Et puis il y a l'autre face du pourquoi, la face de lumière.
La face de Lumières faudrait-il plutôt dire.
Le pourquoi des sens ouverts, de l'intelligence aux aguets.
Le pourquoi des enfants qui découvrent le monde.
Le pourquoi des scientifiques et des philosophes, qui se déplie en hypothèses, se complexifiant au fur et à mesure des vérifications ou invalidations.
Le pourquoi qui creuse les fondations pour l'édifice du savoir. Et le savoir posera ensuite patiemment une à une toutes les pierres des "comment".
Le pourquoi aussi des utopistes, des traceurs de route qui osent l'écrire en deux mots.
Quant aux sages qui savent comme dit Montaigne vivre à propos, ils n'en manqueront pas, d'à propos, pour compléter tout pourquoi d'un pourquoi pas.