« Toute étude exige concentration et dévotion. De même qu'il est vain de s'exercer à la vertu avec l'esprit tourné vers la réussite et la célébrité, il ne sert à rien de fréquenter les livres avec une inclination pour les fleurs de la rhétorique. »
Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes I,44)
Dévotion = s'y dévouer, s'y adonner à fond
Vertu + réussite et célébrité = beurre + argent du beurre. Hong ne pense sûrement pas, dans son extrême subtilité orientale (ou subtilité extrême orientale) qu'avoir les deux soit exclu. Ni même condamnable.
Il dit juste que la vertu demande de la simplicité, au sens propre. Ne pas dédoubler son désir. Ce qui ensuite résultera de la vertu c'est secondaire. (Oui bon si c'est réussite et célébrité on fera pas la gueule).
Hong n'est pas vraiment pessimiste, peut être le suis-je davantage car je ne peux m'empêcher de penser à tous ces gens qui ne s'exercent pas à la vertu, mais s'exercent à la simuler, voire à seulement en afficher le discours.
Ceux qui ont la vertu médiatique et/ou utilitariste. Mais je vais pas donner de noms, à quoi bon tirer sur les limousines.
Y a quand même un truc qui me chiffonne dans le propos d'Hong : le mépris pour l'inclination pour les fleurs de rhétorique.
Car personnellement j'incline.
Incliner à la rhétorique consiste à goûter la fonction poétique du langage. Pas poétique au sens genre littéraire poésie. Au sens de créativité et de jeu avec le langage.
(Vous avez en tête les autres fonctions du langage j'espère : phatique, référentielle, expressive, conative. Sinon révisez-moi ça vite fait pour l'oral du bac).
Le jeu avec le langage n'est pas seulement humour. C'est surtout le jeu dans les rouages d'un mécanisme. Et en plus quand ça joue bien, ça peut donner du poétique au carré, cf le titre de Magritte ceci n'est pas une pipe.
Tout ceci pour dire que faire la fine bouche devant la rhétorique c'est en fait méconnaître ce que parler veut dire. Parabolare consiste à tourner autour du pot plutôt que mettre direct dans le mille.
La vertu demande simplicité, oui, mais le langage n'est que duplicité. (Et après on s'étonne que la vie ne soit pas un long fleuve tranquille.)
Bref disons que par exemple au hasard Platon (ne jamais perdre une occasion de débiner Platon) a perdu lui une occasion de se taire quand il débine lui les sophistes.
Surtout qu'en plus sans vouloir l'enfoncer (quoique) c'est quand même l'hôpital qui se fout de la Charité, vu qu'en fait de tchatche et d'embrouille le Socrate de Platon il se pose un peu là, je lui ferai dire.
Mais revenons za notre Hong : avec ses aphorismes s'il y est pas à fond, dans la fleur de rhétorique, je veux bien manger tous les chapeaux de Magritte.