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  • Un paradigme pas perdu (2/13)

    Comme De Niro allégé de son équipement, on laissera de côté le folklore délétère et absurde d'un divin père pervers, fouettard et maître es culpabilité.

    Disons plutôt avec Spinoza que la question du péché est la dissonance par rapport à DSN (deus sive natura je n'y reviens pas cf mon abécédaire sur ledit Spinoza entrée Nature du 19/03/16).

    Ou disons encore, pour rester dans la thématique cinéma, que c'est un problème de raccord avec la vie la vraie.

     

    C'est donc avec pour seul critère leurs effets dans la réalité qu'il faut évaluer les comportements dits péchés. Ce qui exclut la question narcissique oh My God comme je suis moche d'avoir fait ça.

    Question narcissique qui restait au fond celle de Bob De Niro avec son harnachement d'Idéal du Moi guerrier.

    La question la seule, inutile d'avoir fait 15 ans de théologie pour la voir dans son évidence, c'est le mal réel infligé à l'autre réel, à sa chair à ses os, à son psychisme et à sa liberté.

    Quant au mot capitaux, il ne désigne pas la gravité en soi des fautes. Chacune d'elles peut porter sur des choses plus ou moins graves, avoir plus ou moins d'incidence.

    Le mot capital comme on sait vient de caput = tête.

    Un péché est dit capital dans la mesure où il est un principe directeur de déshumanisation. Le coin enfoncé dans le bois, apte à provoquer son éclatement.

     La pertinence toujours actuelle de cette vieille histoire de péchés capitaux tient à ce qu'ils formulent la déclinaison radicale du paradigme de l'incapacité à l'autre.

    La liste en a été fluctuante selon les époques et leurs préoccupations, selon les théologiens ou moralistes.

    Je m'en tiendrai arbitrairement à la forme canonique de notre « aceglop ». Quoique. Arbitrairement pas tant que ça, car elle fait pas si mal le tour de la question.

     

    Sauf que. Il faut remarquer qu'elle comporte un manque criant. Lequel ?

    Cherchez bien et vous trouverez.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Aceglop (1/13)

    Aceglop : drôle de mot. Monstrueux, non ? Quand ça rime avec cyclope moi je dis c'est pas bon. Sans compter que ça rime aussi avec Robocop. Oui, et avec … euh on va passer sur les autres rimes possibles.

    Ce mot bizarre est en fait un sigle, comme OCDE ou OTAN.

    A comme Avarice C comme Colère E comme Envie G comme Gourmandise L comme Luxure O comme Orgueil P comme Paresse.

    Oui : les « Seven », les ci-devant péchés capitaux soi-même.

     

    Ah bon ? (dira le lecteur) Pourquoi diable aller déterrer ces vieux machins religieux ? C'est qu'ils ont deux trois choses à nous dire au plan d'une éthique purement humaine.

    Cependant, par Saint Petit Robert, il faudra songer à les renommer (je n'ai pas dit les rebaptiser). Parce que péché, voilà un mot, le pauvre, qui se trimbale un bien méchant fatras : gendarmerie divine, infractions tarifées, pénitences.

    Et surtout la terrible et ravageuse notion d'impureté, ce sniper tous azimuts du vivre-ensemble entre humains.

    (Cyclope et Robocop ne seraient donc peut être pas venus là par hasard. Aceglop ne serait-il pas leur cousin en serialkillisme ?)

     

    Fatras religieux, ça me rappelle une séquence d'un film des années 80 (ça nous rajeunit pas) : La mission de Roland Joffé. Au XVI°s au Paraguay, dans un contexte de colonisation esclavagiste, Espagnols et Portugais se disputent terres et ressources (y compris humaines) avec la bénédiction intéressée du Vatican.

    Là, des jésuites créent pourtant des communautés fraternelles & évangéliques avec les « indigènes ». (Des jésuites écolo et plutôt de gauche, genre le jésuite François par ailleurs pape - en plus engagés).

    Le grand Robert (De Niro) joue le rôle d'un mercenaire sanguinaire & bourrin. Ayant tué son frère en duel dans le grand style Caïn et Abel, désespéré et au bord du suicide, il est recruté par le responsable des communautés (Jeremy Irons).

    Il se retrouvera nettement moins bourrin mais encore un peu sanguinaire à lutter (et mourir) pour leur défense au moment où les rois et le pape décideront de leur liquidation.

    La séquence dont je parle se situe au moment où Bob escalade la montagne pour rejoindre la communauté. En guise de pénitence il transporte tout son barda de guerrier.

    Épuisé, il tombe à plusieurs reprises (dans le grand style Golgotha), au risque d'être entraîné dans l'abîme. Ses compagnons veulent l'en délivrer mais il s'obstine.

    Jusqu'au moment où c'est un des Indiens qui prend son couteau pour l'alléger, en un geste aussi simple que symbolique, du poids mortifère de son ancienne vie.

     

     

  • Par l'azur calme et tous les temps

     

     

    « En criant à pleins poumons au sommet d'une colline, on se remplit d'énergie. »

    Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes II, 114)

     

    C'est rudement vrai. Sensation euphorique. Leonardo à la proue du Titanic, le naufrage en moins. Quoique. On aura beau s'être empli de toute l'énergie du monde, on sombrera forcément un jour.

    Tant qu'on y est, ajoutons que selon la pente de la colline, arrivé au sommet faut attendre un chouia pour pousser son cri, le temps de reprendre souffle. Selon la pente et aussi peut être l'âge …

    Euh ... oubliez : je m'en voudrais de jeter un froid.

    « Le cœur est de la même substance que le ciel.

    Pour une pensée joyeuse, il est comme l'étoile des justes ou un heureux présage. Pour une pensée coléreuse il est comme l'orage ou la tempête. Pour une pensée compatissante, il est comme la brise et la rosée. Pour une pensée sévère, il est comme un soleil ardent ou une gelée automnale.

    Tous ces aspects alternent, il suffit de se conformer à leur émergence et leur disparition pour se sentir libre comme l'univers, de la même substance que le ciel. » (I,74)

    C'est son truc à la pensée extrême-orientale, la perception d'une solidarité entre toutes les composantes de la vie, en tant qu'éléments d'un unique moteur. Système très intégré, dans une synergie microcosme/macrocosme, matériel/ immatériel.

    C'est dans ce genre de réflexion que Schopenhauer a puisé pour son concept d'œil unique du monde.

    Dans la culture occidentale on a souvent un peu plus de mal à se conformer (non seulement admettre, ça pas le choix, mais faire corps) aux perturbations externes du monde, comme aux internes de son petit moi à soi.

    Ça me rappelle une réplique du film d'Agnès Jaoui Parlez-moi de la pluie.

    « Quand il fait mauvais temps j'ai toujours l'impression que c'est contre moi, que le ciel m'en veut.» Le même genre de chose doit s'entendre à un coin de pellicule chez Woody Allen.

    En tous cas perso je ressens souvent cela. Pluie, vent, froid, je monte aussi sec sur la colline crier : eh là-haut ! Tu me cherches ? Descends si t'es un homme !

    Oui je sais c'est pas le même climat de cri qu'avec Hong. 

    « Un ciel serein est soudain sillonné d'éclairs et ébranlé par le tonnerre. Un vent rageur et une pluie battante cèdent soudain au clair de lune. La nature est-elle arrêtée un instant dans son évolution? Le ciel est-il un instant entravé dans son mouvement ? Le cœur humain doit être à l'unisson. » (I,124)

    OK OK j'ai capté le message. Bon, rendez-vous pour crier là-haut sur la colline ?

     

    P.S. Le titre n'est pas de moi (hélas), c'est dans le Cantique des Créatures de François d'Assise, sublime poème qui commence par « Loué sois-tu mon Seigneur par frère Soleil ». Après il loue par la lune, les étoiles, l'eau, la neige, la grêle etc.

    (Toute ressemblance avec le psaume 148 ne doit rien au hasard)