Robert le Petit voit l’étymologie du terme orgueil dans le francique urgôli, fierté.
« Opinion très avantageuse, le plus souvent exagérée, qu’on a de sa valeur personnelle aux dépens de la considération due à autrui. »
Avantageuse, valeur, voilà qui fait dresser notre oreille d’homo mercantilis (humain de l'ère du Tout-Marché).
L’orgueil est ici défini comme une capitalisation psychique.
Un solde positif pour l'ego dans l’opération du commerce relationnel.
Aux dépens de la considération due à autrui : dans ce commerce-là aussi, il ne peut être question de simple équilibre et de réciprocité, il s’agit de gagner, de retirer un profit.
Le gain narcissique de l’orgueil se fait au détriment de l’autre, comme si l’on ne pouvait augmenter sa part de marché qu’en absorbant la concurrence. Et nous voici une fois de plus ramenés à la figure fantasmatique du dieu de Caïn, dont la faveur a pour envers l’exclusion.
Il faut ajouter à cela les implications du mot exagérée : l’auto évaluation met en jeu la spéculation.
L’orgueil fait monter artificiellement le cours de l’action Ego, ce qui permettra de réaliser les opérations les plus avantageuses sur le marché boursier qui cote les différents narcissismes.
Robert poursuit avec une citation. Il faut définir l’orgueil une passion qui fait que de tout ce qui est au monde on n’estime que soi. La Bruyère (eh oui).
Élégance et concision de la langue classique, dont l’à-plat fait d’autant plus ressortir l’intense saturation de la couleur passionnelle. Pour Labru, l’orgueil n’est pas un capitalisme, c’est un totalitarisme.
Vision logique sous le règne de Loulou Soleil.
Antonymes (poursuit Robert) : modestie, simplicité, humilité, bassesse, honte.
Les trois premiers mettent en évidence la parenté de l’orgueil avec l’hybris de la mythologie. Outrepasser les limites de sa condition humaine, déserter sa place assignée dans l’ordre cosmique, entrer en concurrence avec les dieux.
Au contraire, modestie = s’en tenir à sa mesure, simplicité = ne pas chercher à en rajouter, humilité = adhérer à sa condition proprement terrienne.
Bassesse permet de concéder à l'orgueil une coloration potentiellement positive. Une haute opinion de soi peut induire un comportement qui n’y fasse pas déroger.
Ne pas s’abaisser à ce qui n’est pas digne de soi.
Honte, expression d’une blessure narcissique ouvrant au ressentiment, laisse entendre que l’orgueil, inversement, peut être un réparateur de narcissisme positif, une assise de l’ego.
L'occasion de quitter ici la disgrâce et ses tristesses pour entrer dans le domaine spinoziste de l'acquiescentia in se ipso : une paisible adhésion à soi.
Je suis qui je suis, tout simplement.