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  • Trois en une (8/13)

     

    Le corps de la pyramide est constitué de disgrâces jumelles : envie et orgueil.

    Et tout en haut, à la tête, pierre d'angle, âme du système des disgrâces, l'avarice. Telle est la trinité qui mène le monde.

    De nos jours, elle organise les sociétés selon un mode de vie publicitaire, autopromotion et débinage de la concurrence.

    Ici l'homothétie entre la macrostructure et la microstructure est évidente.

    Quand règne le Tout-Marché, multinationales, états, secteurs d'activité, ne connaissent que la logique commerciale de la plus-value.

    Dans le processus de vente-achat impliquant nécessairement un gagnant et un perdant, il faut être celui qui gagne. Et n'être rien d'autre.

    Côté microstructure on est ici à l'étage du Moi sans doute, comme avec gourmandise etc. on était à l'étage du Ça.

    Ou encore, plutôt que le concept du Moi freudien, je me demande si l'Imaginaire lacanien ne serait pas plus pertinent.

    Car il arrive même à Lacan d'être lumineux. Réconfortant, non ?

    L’Imaginaire désigne le fonctionnement du Moi sur le mode spéculaire = en fonction d'un miroir (dont le parangon est à jamais la mare à Narcisse), conduisant à un rapport de rivalité mimétique à autrui.

    La réalité se voit et se vit alors sur le mode défensif et projectif. « Le moi est paranoïaque ».

     

    Toute la disgrâce, fondamentalement, est là : vivre dans une perpétuelle comparaison à l'autre. Et ainsi

    1) ne pas pouvoir savourer le bonheur d'exister. Purement et simplement.

    « Perfection et imperfection ne sont donc, en vérité, que des manières de penser, à savoir, des notions que nous forgeons habituellement du fait que nous comparons entre eux des individus de même espèce ou de même genre : et c'est pour cette raison que j'ai dit plus haut (Défin 6 partie 2) que quant à moi, par réalité et par perfection j'entends la même chose. »

    Spinoza : Éthique (Préface partie 4)

    2) risquer perpétuellement d'être perdant devant l'autre, d'être moins que lui.

     

    C'est ce double mécanisme qui noue l'alliance infernale entre envie et orgueil. Pour être sûr de n'être pas perdant au jeu de la comparaison, on fait son auto-promotion, on frime, on brille, on exhibe ses atouts. Ou on feint d'en avoir.

    Prompt à envier, l'autre n'y voit que du feu. Et se lance à son tour dans la surenchère. C'est cela aussi qui fait l'avarice : le plus sûr, dans le doute d'être, est d'appuyer son être sur un avoir.

    Envie/orgueil/avarice, avarice/orgueil/envie : le cercle vicieux ne cesse de se resserrer, jusqu'à nous couper le souffle.

     

    Tel est le tableau global. À partir de la prochaine fois, on zoomera sur quelques points.

     

  • Le bataillon des primaires (7/13)

    Établissons l'organigramme de la holding DUC.

    En gardant en tête que la même logique est à l'œuvre dans la pyramide globale des sociétés ou la pyramide locale de nos fors intérieurs. On peut passer de l'une à l'autre par homothétie.

    Tout en bas du système celles des disgrâces qui forment le bataillon disons le plus primaire : gourmandise, luxure, colère. Au plus près de la chair à pulsion.

    Elles ont en commun de s'inscrire sous le signe du trop, de l'excès, de l'absence de régulation, du débordement. Un aveu de faiblesse d'un Moi colonisé par le Ça. (Ach Ich allais le sagen).

    Précisons en ce sens les termes :

    1) la gourmandise n'est pas le plaisir du gourmet à savourer de bonnes nourritures, généralement dans la convivialité. Mais bien la goinfrerie, le fait de s'empiffrer, parfois seul, ou en tous cas sans goûter le sel du partage.

    Scolie 1 : Dieu me gourmande, il ne s'agit pas de porter sur ce comportement un regard étroitement moralisateur. Nous savons tous qu'il est avant tout un symptôme qui vient révéler une souffrance.

    Scolie 2 : En ce sens disgrâce n'est pas si mal trouvé, finalement, bravo Ariane.

    (Ben oui je me le sers moi-même avec assez de verve, et tout de suite, parce qu'aussi bien quand j'en serai à orgueil j'aurai pas le feeling).

    2) la luxure n'est pas davantage la jouissance (sexuelle ou autre) en tant que telle, mais bien le fait de la vivre comme une consommation effrénée de sensations et/ou de partenaires, sur le mode là encore du toujours plus. (Jusqu'à mille e tre qui sait).

    Scolie : toutes les deux, gourmandise et luxure, apparaissent comme une hyper-consommation en réponse à l'obsolescence programmée du désir.

    3) je mets la colère dans ce groupe pour le côté pulsionnel. Un débordement, un manque de maîtrise de soi, qui peut déboucher sur toutes sortes de brutalités. Elle n'est pas forcément « méchante » en soi, elle peut être juste une expression dévoyée de l'indignation, une expression récupérée par la violence.

    Or l'indignation a souvent partie liée au désir de justice et de dignité, ainsi que l'a rappelé naguère Stéphane Hessel.

    Scolie : L'occasion de noter un point essentiel que ne nous contesterait pas Monsieur de la Palice. Qui dit disgrâce dit négatif de grâce.

    Autrement dit en chacune de nos disgrâces capitales on pourrait chercher s'il n'y a pas quelque chose de récupérable dans la perspective d'une dynamique positive.

    On le fera à la fin de notre parcours.

    Si on n'a pas la flemme, bien sûr.

     

     

     

     

  • Tous actionnaires (6/13)

    Les sept disgrâces sont loin de fonctionner indépendamment les unes des autres. Au contraire elles font système, se répondant, se renforçant, se prolongeant. Elles forment une entreprise intégrée étendant ses filiales dans tous les domaines.

    Une entreprise qui n'a aucun mal à se tailler de sacrées belles parts sur le marché. Son objet étant de promouvoir dans toute leur horreur et vulgarité les mille et une manières de casser de l'humain et du lien, tout lui fait ventre.

    L'entreprise DUC (Disgrâces Universelles & Capitales) tient d'une main de fer les macrostructures (oui pardon j'emploie un terme marxiste, mais j'ai pas mieux en magasin). On me dira c'est pas nouveau, c'est depuis la nuit des temps. C'est vrai.

    Mais aujourd'hui y a des jours on se dit c'est vraiment le temps des nuits, un des plus sales temps pour les Lumières qu'on ait connu depuis longtemps.

    Entre autres avec l'effarant mensonge appelé mondialisation. Une véritable mondialisation, faire tous humanité commune sur notre planète d'accueil, ce serait la plus belle chose que nous pourrions vivre.

    Mais la globalisation mercantile qui nous est vendue (et à quel prix) sous ce nom n'en est qu'une contrefaçon hideuse, la disgrâce-même.

    En retour, et c'est logique, cet échange à faux, ce marché de dupes, remet en ordre de bataille des vieilleries qui seraient risibles si elles n'étaient si ravageuses : rivalités entre nations, ethnies, religions, et leurs corollaires d'exclusions en tous genres, à commencer par celle des migrants (économiques, forcément).

    Bref du grand n'importe quoi n'importe quoi pourvu que ce soit prétexte à la violence la plus archaïque qui soit.

    Je tue pour exister, je ne suis que si l'autre n'est plus (et d'autant plus que j'ai peur qu'il ne soit pas si autre cf Xénophobie 21/04/16)

    Effet nausée assuré sur tout humain doué d'un minimum de sens éthico-esthétique. Une nausée qui ne doit cependant pas nous autoriser le mensonge ou la tartuferie.

    Car il est clair que la DUC œuvre en chacun de nous.

    Elle ne pourrait tenir les macrostructures sans tenir aussi les microstructures de nos vies. Entreprise privée autant que publique. Carburant intime (parfois inconscient), de beaucoup de nos actions quotidiennes (oui OK pas toutes quand même).

    Et au total, elle organise la synergie entre le global du monde et des sociétés et le petit local de nos fors intérieurs.

    Moyennant évidemment le mécanisme de servitude volontaire (dirait l'ami La Boétie) ou d'aliénation (dirait tonton Marx).