Le corps de la pyramide est constitué de disgrâces jumelles : envie et orgueil.
Et tout en haut, à la tête, pierre d'angle, âme du système des disgrâces, l'avarice. Telle est la trinité qui mène le monde.
De nos jours, elle organise les sociétés selon un mode de vie publicitaire, autopromotion et débinage de la concurrence.
Ici l'homothétie entre la macrostructure et la microstructure est évidente.
Quand règne le Tout-Marché, multinationales, états, secteurs d'activité, ne connaissent que la logique commerciale de la plus-value.
Dans le processus de vente-achat impliquant nécessairement un gagnant et un perdant, il faut être celui qui gagne. Et n'être rien d'autre.
Côté microstructure on est ici à l'étage du Moi sans doute, comme avec gourmandise etc. on était à l'étage du Ça.
Ou encore, plutôt que le concept du Moi freudien, je me demande si l'Imaginaire lacanien ne serait pas plus pertinent.
Car il arrive même à Lacan d'être lumineux. Réconfortant, non ?
L’Imaginaire désigne le fonctionnement du Moi sur le mode spéculaire = en fonction d'un miroir (dont le parangon est à jamais la mare à Narcisse), conduisant à un rapport de rivalité mimétique à autrui.
La réalité se voit et se vit alors sur le mode défensif et projectif. « Le moi est paranoïaque ».
Toute la disgrâce, fondamentalement, est là : vivre dans une perpétuelle comparaison à l'autre. Et ainsi
1) ne pas pouvoir savourer le bonheur d'exister. Purement et simplement.
« Perfection et imperfection ne sont donc, en vérité, que des manières de penser, à savoir, des notions que nous forgeons habituellement du fait que nous comparons entre eux des individus de même espèce ou de même genre : et c'est pour cette raison que j'ai dit plus haut (Défin 6 partie 2) que quant à moi, par réalité et par perfection j'entends la même chose. »
Spinoza : Éthique (Préface partie 4)
2) risquer perpétuellement d'être perdant devant l'autre, d'être moins que lui.
C'est ce double mécanisme qui noue l'alliance infernale entre envie et orgueil. Pour être sûr de n'être pas perdant au jeu de la comparaison, on fait son auto-promotion, on frime, on brille, on exhibe ses atouts. Ou on feint d'en avoir.
Prompt à envier, l'autre n'y voit que du feu. Et se lance à son tour dans la surenchère. C'est cela aussi qui fait l'avarice : le plus sûr, dans le doute d'être, est d'appuyer son être sur un avoir.
Envie/orgueil/avarice, avarice/orgueil/envie : le cercle vicieux ne cesse de se resserrer, jusqu'à nous couper le souffle.
Tel est le tableau global. À partir de la prochaine fois, on zoomera sur quelques points.