Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • L'esprit de la lettre (5/13)

    Sans me vanter j'adore chercher des anagrammes.

    Cet art de donner du jeu aux lettres-mêmes d'un mot, d'une phrase. De les laisser se déplacer aléatoirement, se mettre sens dessus dessous, jusqu'à ce qu'émerge un autre mot, une autre phrase qui révéleront une autre façon d'entendre les choses.

    Laquelle, comme par magie, loin de s'éloigner de la signification première, en dévoilera de nouvelles dimensions.

    Mon aceglop est un mot ne veut rien dire. Simplement monstrueux, il se contente de faire entendre par sa cacophonie la barbarie qu'il signifie.

    Mais il en dit beaucoup sans le savoir. Il suffit de solliciter son potentiel anagrammatique pour reformuler à travers lui le système des disgrâces capitales.

     

    De l'évident d'abord :

    Cegalop : comment mieux dire la colère, ce galop de furie où elle nous emporte.

    Clopage correspond bien à la gourmandise.

    Pulsion orale tout ça. Addictions en tous genres : clopes, sucreries ou quoi que ce soit.

    Sous le signe du trop. Pas vraiment pour le plaisir, mais pour l'au delà du plaisir.

     

    Un peu plus tarabiscoté maintenant :

    Clapego : parfait pour l'orgueil.

    Clap clap pour mon ego. S'applaudir soi-même, s'admirer devant son miroir (voire sa psyché) en Narcisse au petit pied.

    Pacoleg, suivi de coplage, peut ouvrir libre cours à la paresse.

    Faire l'école buissonnière (pas collège, na), et s'en aller avec quelques copains s'étaler sur la plage.

     

    Carrément capillotracté enfin :

    Eclogap ou egalcop parlera de l'envie.

    Éclogap : un gap éclot, un différentiel se fait jour entre l'un et l'autre. Une petite différence qui va suffire à faire de chacun un égalcop, un robocop enragé à égaliser.

    Non par amour de la belle valeur d'égalité, mais par incapacité à supporter de n'être pas le plus-égal.

    Gecolpa évoquera une conséquence possible de la luxure prompte à donjuaniser.

    En recherche de toujours plus, infidèle je papillonne. Je colle pas, à personne.

    Gepalco dira l'avare : J'ai pas l'co, pas le sens du collectif.

    Comme d'autres n'ont pas le sens du rythme, ne trouvent pas le tempo pour entrer dans le mouvement.

     

    C'étaient donc quelques anagrammes en guise de récréation (ou pas). Nul doute qu'il y en a d'autres, et de bien meilleures.

    Mais bon la prochaine fois on reprend un parcours sérieux (ou pas).

     

  • Un mot pour le dire (4/13)

    Il vaut mieux un autre mot pour remplacer péché, tant celui-ci est disqualifié, inaudible, usé voire abusé.

    De quoi s'agit-il ? D'une réalité qui s'appréhende sur un mode négatif, comme un manque.

    L'impuissance à s'ouvrir à l'autre, à agir pour et surtout avec lui. Spinoza dirait : le défaut conjoint d'animositas et de generositas. (cf ce blog 1er mars 2016)

    On pourrait forger un mot : nonautrisme, dégénérosité, inaptautrude. Pas terrible. Ben oui à réalité moche mot inélégant.

    Mais il ne faut jamais céder sur l'élégance, rempart à la bourrinitude, alors on va dire disgrâce.

    Qui dit disgrâce dit d'abord grâce, c'est à dire dit quoi ?

    C'est pas simple chez Robert. Il classe les sens en 3 groupes.

    1) grâce en tant qu'action, comportement

    a)attitude aimable b)faveur divine c)disposition à faire de faveurs.

    2) grâce reconnaissance d'un bienfait : rendre grâce, ne pas être ingrat.

    3) grâce comme ce qui est agréable chez quelqu'un, l'attrait, le charme, ou le fait d'être gentil, sympa, bien disposé, de bonne grâce.

    Mais peut être le plus parlant est que dans mon Robert figurez-vous que grâce vient après grabuge. Éloquent, non ?

     

    La disgrâce est donc inversement

    1) l'incapacité à faire une faveur, ou la perte d'une faveur.

    C’est par exemple ce qui arrive au bon vieux Caïn. Il espérait le regard bienveillant de Dieu, et non.

    De même, quand un président de la République, dans un temps variable après son élection (notons le possible emploi religieux du terme) baisse dans les sondages, on dit qu’il perd l’état de grâce.

    2) l’incapacité à être agréable. Sans charme, non tant parce qu'on serait moche, au physique ingrat, que parce qu'on est grognon et de mauvaise grâce.

    3) l'incapacité à reconnaître les dons reçus. L'attitude de l'ingrat dit quoi ? Que le don qu'on lui a fait, de son point de vue, était au contraire un dû. Il n'a donc pas à en rendre grâce, à en remercier.

    Et même souvent il en veut plus ou moins consciemment à qui lui donne. Il ne voit le don que comme réponse à un manque (donc sa mise en lumière humiliante).

    La disgrâce en ce sens est l'incapacité à concevoir la gratuité.

     

     

     

     

  • Cent mille (3/13)

    Clodoweg dans son commentaire nous suggère la cruauté. Suggestion fort pertinente. La cruauté en effet est une absolue négation de l'autre. C'est aussi l'avis de Montaigne

    "Je hais, entre autres vices, cruellement la cruauté, et par nature et par jugement, comme l'extrême de tous les vices." Essais II, 11 (De la cruauté).

     

    Pour ma part je visais le mensonge. Pourquoi le mensonge n'est-il pas dans la liste ? C'est une vraie question : franchement je ne vois pas comment interpréter ce non dit.

    (Sinon à suspecter les théologiens de n'être pas toujours très francs du collier, mais bon pas de procès d'intention …)

    "Notre communication se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse trahit la société publique" dit encore Montaigne qui décidément ne parle jamais pour ne rien dire.

    Le mensonge est le ver dans le fruit, à même de pourrir toute relation, depuis les relations amicales, amoureuses, familiales, jusqu'aux relations dans la société publique. Il est par excellence la perversion de la confiance.

    Dans le genre capital, c'est à dire induisant à sa suite nombre d'autres méchancetés, vices ou malfaçons, le mensonge se pose là.

    Car il ne concerne pas seulement la parole effective, le prononcé. Il atteint aussi le pensé, le conçu.

    En particulier avec ce mensonge existentiel qui consiste dans le faux-self, le moi en porte-à-faux.

    "Le revers de la vérité a cent mille figures et un champ indéfini" dit encore Montaigne. Le mensonge qui prend la vérité à revers serait donc nommé à bon droit le père de toutes les perversités.

    Ce serait au moins aussi approprié que le fameux l'oisiveté est mère de tous les vices.

    Quant au chiffre de cent mille, il amène à la comparaison avec le beaucoup moins considérable 7. Sept péchés capitaux seulement ?

    De toute évidence le chiffre est retenu pour sa charge symbolique, entendant désigner à lui seul le champ indéfini dont parle Montaigne.

     

    Et puis c'est pratique, c'est le nombre des jours de la semaine.

    "C'est lundi c'est colère !" (Jour de la Lune et des lunatiques). Jeudi jour de Jupiter roi des dieux, pour l'orgueil (j'ai dit quelque chose ?). Vendredi jour de Vénus, pour la luxure. Mercredi jour de Mercure dieu du commerce, pour l'avarice. Samedi repos de shabbat, disons la paresse. Mardi jour de Mars, pour l'envie à la source des guerres. Dimanche jour du Maître, pour la gourmandise. Parce que le Maître se taille la part du lion.

    (Tout ceci est un peu tiré par la crinière je le reconnais).